Western made in France
Le 22 janvier 2024
Sur fond de jihadisme, Bidegain nous livre un premier film bourré d’idées mais pas toujours à la hauteur de ses ambitions.
- Réalisateur : Thomas Bidegain
- Acteurs : John C. Reilly, Antoine Chappey, Jean-Louis Coulloc’h, François Damiens, Finnegan Oldfield, Laure Calamy, Agathe Dronne
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 1h45 mn
- Date télé : 29 octobre 2016 20:55
- Chaîne : Canal + Cinéma
- Date de sortie : 25 novembre 2015
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Résumé : Une grande prairie, un rassemblement country western quelque part dans l’Est de la France. Alain est l’un des piliers de cette communauté. Il danse avec Kelly, sa fille de seize ans sous l’œil attendri de sa femme et de leur jeune fils Kid. Mais ce jour là Kelly disparaît. La vie de la famille s’effondre. Alain n’aura alors de cesse que de chercher sa fille, au prix de l’amour des siens et de tout ce qu’il possédait. Le voilà projeté dans le fracas du monde. Un monde en plein bouleversement où son seul soutien sera désormais Kid, son fils, qui lui a sacrifié sa jeunesse, et qu’il traîne avec lui dans cette quête sans fin.
Critique : Les cowboys est un premier film. Mais pas le film d’un jeune premier. Celui de Thomas Bidegain, éminent scénariste d’un important pan du récent cinéma français, de Joachim Lafosse à La famille Bélier et surtout connu pour ses nombreuses collaborations avec Jacques Audiard, la dernière en date, Dheepan, ayant été auréolée de rien de moins que la Palme d’or cannoise. Les deux films étaient sélectionnés cette année au prestigieux festival, Dheepan en compétition officielle et Les cowboys à la Quinzaine des Réalisateurs.
Quelques mois après, et à la lumière aveuglante des évènements des dernières semaines, comment reçoit-on ce western made in France ?
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Plus que la radicalisation d’une personne, le film raconte une quête, qui se mue quasiment en traque. Le père veut retrouver sa fille, le frère veut retrouver sa sœur... et tout le monde se perd en route. Chez Bidegain, c’est l’image qui maintient en vie. Une photo de Kelly, une courte lettre, sa chambre intacte... Tant d’éléments qui dispensent la présence de la jeune fille au sein d’un monde duquel elle a choisit de s’absenter. La photo est extrêmement ambitieuse et pose le premier jalon d’un héritage revendiqué par le scénariste : celui du western. En choisissant pour décors les vallées Rhône alpines et comme format de tournage le scope anamorphique, le réalisateur a voulu appuyer cette parenté avec de grands films américains comme La prisonnière du désert. La passion de la musique country, elle, intervient surtout pour la forme : On y voit deux fêtes, un stand de hot-dog, François Damiens qui chante et ne quitte jamais son chapeau. C’est montré et répété : Alain et son fils sont des cowboys. Comme dans un western, en effet, l’antagoniste est clair : ceux qui ont enlevé Kelly, les intégristes, ce sont les Indiens, les ennemis à abattre. Le dispositif est relativement limpide : en résulte donc un vrai film de genre, rareté en France.
Depuis sa formidable performance dans Suzanne, on le sait, François Damiens est capable de très belles choses dans tous les registres, y compris celui du drame. Finnegan Oldfield, autre figure de proue du film et du jeune cinéma français (il a été remarqué avec son rôle dans le court-métrage Ce n’est pas un film de cowboys de Benjamin Parent), brille également par son interprétation plus sobre.
Alors, ce duel au soleil est-il à la hauteur de ceux de ses aînés ?
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Pas réellement. Il y a bien des pistes intéressantes. On peut par exemple saluer cette volonté du film de s’inscrire dans notre époque, on revit l’histoire récente avec les personnages. Le Kid assiste, médusé, aux attentats du 11 septembre, comme tout bon Français, devant la télévision. Suivront les attentats de Madrid et ceux de Londres. Ces évènements tragiques jalonnent l’histoire comme autant de points d’ancrage dans une temporalité un peu dissolue. Ainsi, la tradition très française de ne surtout pas toucher à l’histoire récente vole en éclat pour le meilleur. D’où donc nous vient ce curieux sentiment d’inachevé quand se déroule le générique de fin ? Peut-être de sa narration éclatée en moments dont l’intensité est à géométrie très variable. Peut-être aussi que le souci est plus profond.
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Dans une interview, Bidegain se défend de juger ses personnages. La volonté est belle mais poussée à l’extrême. À force de ne jamais rien vouloir justifier, on évacue la puissance politique de ce genre de film, on la balaye d’un geste de la main alors qu’il y avait tellement à dire. Jacques Audiard tenait le même discours sur Dheepan : ce n’est pas la politique qui nous intéresse, c’est ce que traversent les individus. Et si on faisait l’effort de s’intéresser aux deux ? Suggérons même une chose : les deux sont indissociables.
Si les films écrits par Bidegain sont d’abord affaire de personnages, le problème se pose ici du héros de l’histoire, éparpillé entre deux points de vue. Incessamment bringuebalé parmi des ellipses aussi aléatoires que longues (huit ans, six ans), qui laissent le spectateur plein d’interrogations. Et si le plus intéressant à nous raconter sur ces personnages, c’était leur chute plutôt que leur quête ? D’autant que cet entre-deux, ce ni-ni, ni choix politique ni choix de personnages, provoque une inconvenante incertitude au sujet du propos du film : au fond, on ne sait pas bien ce que cela nous raconte.
On opte pour la thèse d’une possible réconciliation des cultures. Après tout, ce qui a conduit Alain, le protagoniste, à se perdre dans le fracas du monde, c’est précisément cette dualité, les cowboys contre les Indiens, la guerre de civilisation et rien d’autre. Son fils va-t-il hériter de cette opposition ?
Cette proposition de cinéma qu’est Les cowboys, si elle n’est pas parfaite, présente de vraies qualités et une histoire ambitieuse qui donne envie de voir ce que pourra faire Bidegain avec le prochain film dont il s’emparera totalement.
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