Plongée dans une Afrique à la conquête d’elle-même
Le 29 septembre 2021
- Auteur : Osvalde Lewat
- Collection : Domaine Français
- Editeur : Les Escales
- Genre : Roman & fiction, Roman
C’est l’un des romans phares de la rentrée 2021 : Les Aquatiques, la première fiction de Osvalde Lewat.
Un ouvrage riche en questionnements sur la différence avec l’autre et nos choix de vie.
Comment avez-vous donné naissance à ce roman ?
À la fin de mon adolescence j’ai lu le roman Narcisse et Goldmund de l’écrivain allemand Hermann Hesse, qui m’a laissé une impression fabuleuse.
À cette même époque, je vivais une amitié très forte en Afrique et je savais depuis mon enfance que je voulais écrire à ce propos, un jour.
Au fil des ans, j’ai imaginé des personnages qui se sont densifiés et se sont construits au fil de mes propres confrontations à la vie.
J’ai grandi en Afrique dans un milieu homophobe, alors j’ai eu l’idée de raconter une histoire d’amitié, mais aussi des vies qui seraient confrontées au réel et à l’homophobie, dans un pays imaginaire du continent.
J’avais aussi envie de raconter l’histoire conventionnelle de certaines personnes, mais qui, à un moment donné de leur existence, se trouvent face aux soubresauts de leur vie, qui vont les forcer à déterminer leur chemin.
Pour ma part, j’ai eu la chance d’avoir une famille qui était là pour moi, des gens qui m’ont entourée, même si tout n’était pas parfait et je considère avoir eu un environnement social plutôt protégé.
Le personnage principal de votre roman est Katmé ?
Oui, elle a pour meilleur ami Samy qui est sculpteur.
Ils sont très proches et se connaissent depuis le lycée.
Le roman commence vingt ans après la mort de la mère de Katmé, dans un pays imaginaire d’Afrique.
Elle avait treize ans à l’époque et elle s’est alors dit que la vie était infidèle. Qu’elle devrait prendre le peu que celle-ci lui donnerait ou pourrait lui accorder.
Vingt ans après la mort de sa mère, Katmé reçoit une lettre pour lui indiquer que son corps va être exhumé, car une route doit être construite à l’emplacement de sa tombe.
C’est donc la seconde fois que l’on enterre Madeleine, la mère de Katmé, et tout au long de cette période, elle va vivre différentes péripéties.
Katmé est une femme d’une trentaine d’années. Elle s’est construite par des choix au rabais, par défaut…
Son seul point de fixation et de confiance, c’est Samy. Mais Samy est arrêté à la suite d’une exposition trop engagée politiquement et il va se retrouver confronté à la justice.
A partir de ce moment, elle se trouve obligée de se questionner et d’interroger les choix qu’elle a fait jusqu’alors, de décider si elle soutient son ami Samy ou pas, car cela implique qu’elle s’expose elle aussi…
Ça veut dire qu’il faudra qu’elle remette en question sa vie d’hypocrisie, de renoncement et de compromis.
Katmé va devoir se plier aux injonctions de son mari, mais c’est un énorme dilemme pour elle…
Pourquoi « sa vie d’hypocrisie » ?
Car dans n’importe quel pays, que l’on soit en Afrique ou ici en France, on est tous englués, embarqués dans des vies conventionnelles avec des jeux de rôles.
Et c’est ça au fond qui caractérise sa vie, car son mari est un homme de pouvoir disposant d’une situation importante.
C’est un homme ambitieux et dans ces milieux-là, on apprend à ruser, à tricher…
Katmé, elle, est une taiseuse. Elle observe, ne dit rien, mais en même temps elle est lucide, elle ne se ment pas.
En revanche, elle est lucide sur le fait qu’elle a fait des choix en contradiction avec ce qu’elle est intérieurement, simplement pour maintenir son équilibre de vie.
Elle a une belle situation sociale, elle a deux enfants, elle est respectée.
Dans cette réalité que nous connaissons toutes et tous, comment renoncer à ce que l’on a et ce que l’on est ? Ce n’est pas si évident…
Votre roman Les Aquatiques c’est un peu de votre vie ?
Pas vraiment… Mon ouvrage est un récit à rebours de ce que je suis personnellement.
L’arrestation de Samy va forcer Katmé à se fixer, à se déterminer.
Elle est un personnage que j’ai construit, mais qui ne me ressemble pas du tout, car elle aime le confort de la communauté. Elle a choisi de vivre dans « le groupe » et on sait tous que vivre dans le groupe, toujours choisir la communauté et la sécurité de la famille, c’est mourir à soi-même.
Pour ce qui me concerne, j’ai fait des choix très tôt pour me libérer des dictats de la communauté africaine. Je l’ai parfois payé très cher, car quand on a une voix singulière, on choisit son propre chemin et c’est un chemin solitaire, parfois critiqué.
En Afrique, la femme choisit souvent la sécurité et j’ai toujours été fascinée par ces femmes qui choisissent le mariage, le regard social prétendument bienveillant sur le couple, plutôt que le défi de la conquête de son monde, de la liberté et l’envie de donner un coup de pied dans la fourmilière !
Je ne juge pas ces femmes, car elles n’ont pas forcément les moyens de procéder autrement - d’ailleurs je ne les juge pas dans le roman - cependant je pense qu’il faut toujours aller à la conquête de soi-même.
Ce n’est pas facile, ça ne l’est jamais… et dans mon roman Les Aquatiques, Katmé entreprend une déconstruction de ce qu’elle est. Elle désapprend ce qu’elle est pour se rencontrer, aller à la rencontre d’elle-même et c’est un chemin qui n’est jamais aisé… Et pourtant, je tends à penser que l’on doit toujours essayer.
Pourquoi ce titre Les Aquatiques ?
Les Aquatiques c’est une population d’Afrique qui vit dans une région qui est tout le temps inondée à la saison des pluies. Ils finissent tout le temps par surnager…
Mon titre est une métaphore de la vérité, de la différence.
Dans mon roman quelqu’un dit : « les Aquatiques sont des sauvages »
Mais finalement c’est nous les Aquatiques : les autres sont différents de nous, mais on s’aperçoit que les autres, c’est nous…
Crédit photo : Philippe Matsas
304 pages - 20 €
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