Le 20 juillet 2018
Ce film déconcertant et en partie opaque ressort dans une splendide copie neuve. Une occasion en or de s’initier au "roman porno" japonais.
- Réalisateur : Tatsumi Kumashiro
- Acteurs : Rie Nakagawa, Moeko Ezawa, Chizuyu Azami
- Genre : Drame, Érotique, Roman Porno
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Splendor Films , Action Gitanes
- Durée : 1h16mn
- Reprise: 25 juillet 2018
- Box-office : 3.888 entrées France / 3.607 entrées P.P. (insérées dans Trois Films Erotiques de Tatusmi Kumachiro)
- Titre original : Koibito-tachi wa nureta
- Date de sortie : 28 juin 2000
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– Année de production : 1973
Résumé : Katsu travaille comme commis dans un cinéma porno de son petit village natal, où il est revenu après une longue absence. Il refuse toutefois de reconnaître ses amis d’autrefois. Katsu entretient une liaison sans passion avec la patronne du cinéma, mais commence une aventure avec Yoko, qu’il épie en train de faire l’amour avec son ancien camarade Mitsuo. Très vite, une étrange amitié va s’instaurer entre les trois.
Notre avis : Les amants mouillés appartient à un genre codé, le « roman porno », dans lequel « roman » signifie « romance » ; la Nikkatsu (le plus vieux studio japonais, encore en activité) en a produit un grand nombre, surtout dans les années 70, et Kumashiro en fut le roi, à la fois prolifique et talentueux. Si le genre reste peu connu en France [1], il a connu un beau succès dans son pays d’origine et mérite d’être découvert, notamment avec ce métrage étrange, provocant, aux allures indolentes et qui pourtant fait montre d’une violence singulière.
On y suit le parcours d’un jeune homme, que tout le monde appelle Katsu mais qui refuse ce nom, employé depuis peu dans un cinéma pornographique et dont on saura finalement très peu de choses. Tant qu’il reste mystérieux et fermé, Katsu est le centre de toutes les attentions et curiosités : objet d’insultes, de coups (il se fait rosser à plusieurs reprises, sans que l’on sache vraiment si c’est ce qu’il recherche) mais aussi de séduction, il est réduit à des signes évidents (le vélo, la guitare) ou abscons (ses discours devant une salle vide). Mais sitôt qu’on comprend d’où il vient, le film se clôt dramatiquement en une scène aussi belle que rapide (et qu’on taira).
- Copyright Splendor Films
Autour de lui gravitent trois femmes et un homme, ami d’enfance que Katsu rejette, et tous sont reliés par des relations sexuelles explicites, mais cachées par un bandeau noir qui prend parfois des proportions gigantesques, ou par un simple et bizarre grattage de pellicule. Ce procédé, indispensable en temps de censure, est-il plus ou moins excitant que la crudité pornographique ? On laissera à chacun le soin d’en juger mais, plus qu’excitantes, les scènes de sexe sont étirées, parfois violentes (l’« amie » que lui dégotte Mitsuo est violée deux fois, et cognée sans mesure) ou laborieuses (le premier viol est particulièrement pénible). Et si voyeurisme il y a, il est autant du côté du spectateur que des protagonistes, jusqu’à cette séquence surréaliste où Mitsuo et Yoko commentent le second viol et envisagent de parier sur sa réussite. Inutile de dire qu’on est loin du féminisme : la contrainte sexuelle est légèrement réprimandée, mais la victime se rhabille sans hâte, à peine fâchée …
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On reste très surpris par cette vision du sexe, mais l’étrangeté du film vient aussi de sa construction répétitive et de son montage abrupt qui fait se succéder des séquences longues en rupture totale : ainsi, après que Katsu et Yoko se soient enfuis en bus, suivis par un Mitsuo rageur, les retrouve-t-on tous les trois sur la plage en train de faire un « strip-saute-mouton ». Tout se passe comme si ces moments prélevés à l’histoire s’emboîtaient mal, se démentaient mutuellement (Katsuo dit à sa patronne qu’il l’aime, lui jure de rester une semaine, puis s’enfuit en niant sa promesse) et au fond clamaient l’absurdité de l’existence réduite à l’animalité ; le titre du film projeté dans le cinéma est d’ailleurs Sex animal. Absurdité des actions, des relations, des noms, et même le suicide de la patronne se termine en bouffonnerie.
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Mais plus que le sexe lui-même, la figure majeure de ces Amants mouillés est l’épuisement : que Katsu pédale, rampe ou viole, que sa patronne coure à sa poursuite, que les trois jouent à saute-mouton, c’est toujours jusqu’à l’exténuement appuyé par la longueur des séquences. Il y a comme un entêtement là encore absurde, un gaspillage d’énergie totalement improductif : l’échec est au bout, il n’y a pas (ou peu) de satisfaction. Kumashiro ne montre pas des êtres sympathiques, au contraire ; et dans ce film imprévisible, heurté (les jump-cuts pourraient en être l’emblème), s’il sait saisir la beauté d’une image ou le caractère émouvant d’une situation (la mère de Katsu qu’il refuse de reconnaître), pour l’essentiel, c’est la distance et la froideur qui dominent, laissant le spectateur interrogatif. Mais nul doute que les amants mouillés, étonnant dans sa forme comme dans son fond, mérite d’être vu : il dépasse le statut de curiosité pour s’aventurer sur des chemins qui, au moins pour nous, ont la saveur de l’inédit.
[1] Les Amants Mouillés a dû attendre l’an 2000 pour sortir dans le cadre d’une présentation du genre, par le distributeur Action Gitanes, intitulée Trois Films Erotiques de Tatusmi Kumachiro
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