Liaison fatale
Le 8 mai 2016
Premier long métrage d’un cinéaste inspiré, ce récit troublant d’une attirance ambigüe brille par ses non-dits et son jeu de fausses pistes.


- Réalisateur : Lorenzo Vigas
- Acteurs : Alfredo Castro, Luis Silva
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Mexicain, Vénézuélien
- Distributeur : Happiness Distribution
- Durée : 1h33mn
- Box-office : 7 942 entrées (France) / 3 977 (Paris-périphérie)
- Titre original : Desde alla
- Date de sortie : 4 mai 2016
- Festival : Festival de Venise 2015

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– Festival de Venise 2015 : Lion d’or
L’argument : Caracas, de nos jours. Armando, la cinquantaine, attire régulièrement des jeunes hommes chez lui. En échange d’une jolie somme d’argent, il leur demande de se déshabiller, mais refuse de les toucher. À la suite sa rencontre avec Elder, une petite frappe des bas quartiers, il développe une fascination dévorante pour le jeune homme qui, attiré par l’argent, lui rend visite fréquemment. Petit à petit, une relation singulière s’installe entre eux.
Notre avis : Produit par Michel Franco (Chronic), Les Amants de Caracas (titre français inappropié) est tiré d’un récit de Guillermo Arriaga, scénariste habituel d’Iñárritu. Le synopsis, le ton et les choix de mise en scène révèlent davantage l’influence de son producteur que celle des auteurs de Babel. Minimalisme, ellipses narratives et concision caractérisent en effet le premier long métrage de Lorenzo Vigas, qui refuse toute fulgurance narrative et esthétique. Personnage taciturne, n’ayant de contact qu’avec sa sœur et les collaborateurs de sa société paramédicale, Armando semble trouver en Elder bien plus qu’un palliatif à sa solitude manifeste. Même si la psychologie est évitée au maximum, des indices permettent de cerner deux personnalités que tout oppose mais qui ont des traits communs, à commencer par le désir régler des comptes avec un père absent ou fautif. Le sadomasochisme ambigu qui s’installe entre les deux hommes et l’ambiance oppressante ne sont pas sans évoquer la noirceur du Patrice Chéreau de L’Homme blessé et Intimité.
- Copyright Alexandra Bas
Le cinéaste semble éprouver un goût particulier pour les jeux de manipulation (entre personnages, mais aussi du spectateur), les silences éloquents (les petits-déjeuners), les situations sordides filmées hors-champ (le tabassage de jeunes délinquants) ou de façon sèche et furtive (la scène d’amour entre Elder et sa petite amie). Une critique sociale est distillée en filigrane, quand Vigas installe sa caméra dans les quartiers insalubres de Caracas, mais le réalisateur évite tout prêche misérabiliste et démonstratif. Les deux acteurs sont admirablement dirigés. Alfredo Castro, qui avait été l’interprète du très glauque Tony Manero, est parfait de retenue et de fausse fragilité. Face à lui, le jeune Luis Silva, d’une animalité touchante, mériterait une belle carrière. On regrettera juste un dénouement trop malin, artifice de scénario qui pourrait laisser penser que l’auteur n’assume pas complètement la thématique initialement proposée. Le film a obtenu le Lion d’or à la Mostra de Venise 2015, distinction peut-être excessive mais nullement indigne. Il révèle un authentique réalisateur dont la seconde œuvre sera sans doute attendue au tournant.