Le 18 janvier 2018
Plongée humoristique dans l’enfer de l’État islamique.
Quand Gina apprend que sa cousine Pauline a rejoint les terroristes et la Syrakie, elle se dit qu’une mission de sauvetage s’impose. Sa tante Alice en fera de même pour la sortir de ce bourbier, pour permettre que tout le monde s’en sorte vivant... Parodier l’État islamique et l’embrigadement des djihadistes n’est pas un sujet facile, et il faut un petit moment pour vraiment se rendre compte que l’on peut rire de cette histoire. En effet, les scènes basculent très vite dans ce pays imaginaire (mélange d’Irak et Syrie, qui sonne pourtant comme la Chiraquie...) qui reprend toutefois de nombreux aspects de la vie réelle. Les conditions d’enfermement des femmes, la vie quotidienne des hommes, tout cela s’appuie sur des témoignages d’anciens prisonniers et repentis. Alors évidemment, dans cet album jeunesse, la vérité est édulcorée. Les gags sont nombreux, surtout lorsqu’une femme se travestit pour se faire passer pour la cuisinier du groupe. En fait, la tante est le vrai ressort comique de toute l’histoire, tandis que les jeunes filles apportent plutôt le côté sérieux, voire la tension dramatique. Même si une fin heureuse semble obligatoire, il y a des sacrifices et du danger, des morts et du sang sur la route de la liberté. Ce que l’on pourrait seulement reprocher à ce livre, c’est de banaliser une situation horrible, de ne peut-être pas assez prévenir sur l’horreur de la radicalisation de certains jeunes.
© Casterman
La dessinatrice Cha n’a pas cherché la caricature à outrance, tendant à plutôt rendre de manière assez fidèle (selon les descriptions réelles des rescapées) le quotidien des djihadistes dans les villes prises par la force. La cuisine et le ménage vont ainsi de pair avec le choix d’une ou plusieurs femmes, la désignation pour un mission suicide... Forcément, le dessin aide à mettre à distance ces éléments glaçants, apportant une certaine chaleur grâce aux traits drôles de la tante Alice ou aux visages benêts (et pour le coup bon reflet de la réalité) des djihadistes français partis conquérir sans savoir trop quoi. La violence n’est pourtant pas absente, et fait d’ailleurs une irruption fracassante dans la dernière partie de l’album, ce que montre bien la couverture. D’abord implicite et sous-entendue, elle est d’un coup déclarée et commence même à effrayer. Le but recherché, en quelque sorte.
© Casterman
À la fois parodie et témoignage de la radicalisation, Le voile noir évoque un sujet sensible et au centre de l’actualité, à l’heure où se pose la question du retour et du jugement des femmes de djihadistes, parties de leur plein gré. L’œuvre de Cha et Dodo ne répond pas à cette question, mais apporte une part d’humanité et d’humour pas inutile en ces temps sombres.
50 pages - 13,95 €
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