Le 2 avril 2024
À travers ce récit d’amitié entre un vieil homme et un enfant, Ninna Pálmadóttir traite, dans une langue très nuancée, la difficile question du malentendu, de la fracture culturelle et générationnelle. Un joli film sans esbroufe.
- Réalisateur : Ninna Pálmadóttir
- Acteurs : Thröstur Leó Gunnarsson, Hermann Samúelsson, Anna Gunndís Guðmundsdóttir
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Islandais, Slovaque
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h15mn
- Titre original : Einvera
- Date de sortie : 3 avril 2024
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Résumé : Gunnar, un vieil agriculteur, est exproprié de sa ferme. Il laisse tout derrière lui et part s’installer en ville où il va se lier d’affection avec un livreur de journaux de dix ans, quelque peu délaissé par ses parents. Cette rencontre bouleversera à jamais leurs vies.
Critique : Il habite depuis des générations dans une maison, en pleine campagne, qui va finir par être engloutie par les inondations. C’est la raison qui pousse l’État à l’exproprier de sa demeure, contre une jolie somme d’argent, en la personne d’un huissier totalement hors sol, à la limite du ridicule. Ainsi, Gunnar se retrouve en pleine ville, dans l’isolement le plus total, où il se lie d’amitié avec un petit vendeur de journaux, sans la complicité assez glaçante des parents de ce dernier. Le vieil homme et l’enfant n’a rien du film exubérant, criard et mélodramatique. La réalisatrice emprunte une petite musique sensible, dans une lumière assez sombre, pour raconter la manière dont le jeune garçon va permettre au vieillard d’apprivoiser son nouvel environnement social. En ce sens, le film fait vivre magnifiquement la théorie bien connue du don contre-don, modèle selon Marcel Mauss qui structure et conditionne toutes les sociétés humaines. En substance, le long-métrage aborde la délicate question de la transmission, qu’elle vienne des jeunes générations vers les plus âgées ou le contraire.
- Copyright Jour2fête
Le vieil homme et l’enfant fait tressaillir le drame très rapidement. En effet, dès les premières séquences où la relation se noue entre le garçon et Gunnar, on est, malgré soi, interrogé sur la nature des sentiments entre l’un et l’autre. La mise en scène de Ninna Pálmadóttir est d’une formidable intelligence, dans la mesure où elle joue sur l’ambiguïté d’une relation que nos sociétés occidentales et uniformisées ne peuvent voir autrement que par le filtre de la perversion ou du délit. Le film va à rebours des représentations sociales dites normatives, même si la posture des parents qui laissent sans vergogne leur enfant au domicile de cet homme âgé, interroge tout autant. C’est parce que personne n’est à sa place dans cette histoire, que le drame du malentendu s’opère.
La subtilité et la complexité sont les maîtres mots de ce récit feutré. Gunnar n’a rien du monstre qu’on voudrait lui prêter et le petit garçon de la victime de la barbarie d’un homme âgé. La réalisatrice inverse en fait la notion d’ascendance de l’adulte sur l’enfant. En effet, c’est le vieil homme, acculé à quitter sa solitude dans la maison familiale, qui se retrouve en pleine vulnérabilité, ne pouvant à peine allumer une télévision. Il ne connaît pas les codes sociaux et fait preuve d’une forme d’innocence à peine contestable. Mais en réalité, les choses ne sont pas si claires, conduisant ainsi le vieil homme à commettre le pire. Les parents du petit garçon sont aussi dans le viseur d’un récit où les solitudes se cognent les unes aux autres, sans parvenir à se comprendre. Leur distance affective, leur présence sur la pointe des pieds auprès de leur enfant contribuent à un drame délétère et destructeur pour Gunnar.
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Le vieil homme et l’enfant est à l’image du format ramassé du film (une heure et quinze minutes à peine), un condensé de sensibilité et de délicatesse. En même temps, il se regarde aussi comme un drame plus lourd, plus orageux, marqueur des différences qui se creusent entre les générations, et se perpétuent dans la solitude. Le titre d’ailleurs qui apparaît en tout début est Solitude, trahissant le point de vue tout en prudence de Ninna Pálmadóttir. On a hâte de découvrir d’autres films de la réalisatrice qui fait pour la première fois son apparition sur les écrans français.
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