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Le 28 mars 2006

Une sélection de portraits où l’on retrouve la truculence, la maîtrise et la générosité d’Henri Cartier-Bresson.
Une sélection de portraits où l’on retrouve la truculence, la maîtrise et la générosité de ce grand maître de la photographie qu’est Henri Cartier-Bresson.
Ce livre fait suite à une exposition consacrée à une sélection de portraits issue des collections de la fondation Cartier-Bresson. En préambule, une courte introduction d’Agnès Sire, commissaire d’exposition, revient sur la difficulté de cet exercice de style qu’est le portrait, complétée par une analyse détaillée des photographies par le philosophe Jean-Luc Nancy. Quel est l’intérêt du portrait, au-delà de la célébrité de la personne représentée ? Quel est son objectif ? Henri Cartier-Bresson répond en ces termes : "Je cherche à traduire la personnalité et non une expression." Le photographe cherche à dépasser la représentation des formes et des traits sans l’occulter mais en l’utilisant pour réussir un pari beaucoup plus ambitieux : révéler l’ipséité de la personne, "cette énigme qu’un nom propre épingle et qu’une image expose", écrit Jean-Luc Nancy.
La série des lits est à ce titre la plus réussie. On y voit la tête renversée de Pierre Colle dans un lit défait qui laisse deviner une nuit troublée, la sérénité d’Alberto Giacometti, la cigarette à la main, pensif sous le double regard d’une mère et de son enfant peint au dessus de sa tête, ou encore l’abandon de Nicole Cartier-Bresson dans un oreiller douillet, le regard consentant. Relevons aussi, la truculence, chère au photographe, avec cette jeune fille de Cracovie, anonyme aux traits enfantins et espiègles, qui pose sous le chapeau de cow-boy, le coup d’œil coquin de Colette, ou la vue en contre plongée d’André Pieyre de Mandiargues observé par trois visages grotesques.
Toutefois, certaines photographies ne présentent qu’un intérêt esthétique limité et ne parviennent pas forcément à transmettre ce "silence intérieur". Cela étant, elles n’en demeurent pas moins intéressante par leur technicité. Cartier-Bresson utilise beaucoup les lignes pour délimiter son sujet dans le cadrage et indiquer le sens de la lecture : lumière découpée par des stores vénitiens pour Arthur Miller, ombres portées sur le mur pour Nehru, diagonales claires-obscures pour Jeanne Lanvin ou troncs d’arbres flous pour Paul Léautaud. La plus amusante à ce titre représente Christian Dior à proximité d’une fenêtre où la bande sombre d’un rideau en arrière-plan met en valeur la calvitie du couturier. A la question "comment faire face au regard de l’autre ?", Cartier-Bresson répond par le don. Le portrait est un échange dans lequel le sujet s’abandonne, s’offre, et où le photographe en contrepartie donne son regard. C’est pourquoi on trouvera peu d’acteurs dans ce livre, Cartier-Bresson leur reprochait de prendre immédiatement la pose. Au lecteur maintenant de partager cette générosité du photographe et de ses sujets et d’y apporter la sienne.
Henri Cartier-Bresson, Le silence intérieur d’une victime consentante. Portaits photographiques, Thames & Hudson, 2006, 160 pages, 70 photographies, 40 €