Le 14 octobre 2015
- Scénariste : Pastor, Anthony>
- Genre : Historique, Chronique sociale
- Editeur : Casterman
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 1er octobre 2015
Un beau voyage initiatique en 1920, entre montagnes imposantes et petites avancées de la condition féminine.
Résumé :
Lorsque Blanca, Pauline et Florentin quittent leur village de Savoie en 1920, ils ignorent véritablement où leurs pas vont les conduire. Dans une France de l’après-guerre où chacun essaye tant bien que mal de trouver ou retrouver sa place,le trio va croiser d’autres destins, d’autres lieux touchés par la guerre et ses conséquences.
© Casterman
La critique :
Anthony Pastor livre avec Le Sentier des Reines une bande dessinée exemplaire de paradoxes. Disons-le tout d’abord, c’est un ouvrage réussi et magnifique. Pourtant, il laisse le lecteur avec ses contradictions. En effet, c’est un livre à la fois froid et chaleureux. Froid comme les couleurs, le thème et l’ambiance. Longtemps arpentant les cols et vallées enneigées de la Savoie, le dessin est parfois glacé, toujours râpeux pour les visages et les décors, mais d’une force froide sacrément belle. Les tons bleus et bruns contribuent à créer l’ambiance voulue par l’auteur : la guerre, la mort, la perte rythment les deux tiers de l’œuvre. Chacun des trois personnages principaux a beaucoup perdu, à cause de 14-18 ou à cause des avalanches. Le passé, s’il a jamais été doré, chacun veut tirer un trait dessus, mais le présent n’est pas plus reluisant. Petit à petit, Blanca ou Pauline vont livrer des petites indications, souvent d’échecs ou de violences, mais de manière très pudique, très réaliste. Le thème enfin, cette fuite en avant de femmes qui veulent se détacher d’une société patriarcale qu’elles sentent bien ébranlée par les changements de l’après guerre, mais qui s’accroche encore, à force de traditions et d’habitudes.
© Casterman
Mais d’un autre côté, l’album se révèle chaleureux : à mesure que les personnages descendent de la montagne, les tons se font plus chauds, les sourires naissent, les dialogues se réchauffent et c’est tout un espoir, une promesse qui va s’insuffler dans le dernier tiers de l’histoire. Pas de grands bouleversements, mais davantage de comique, davantage d’empathie et donc de vie, dans le dessin comme dans le récit. La vie, les villes de 1920 sont exceptionnellement rendus par Pastor, qui dit s’être inspiré de vieilles cartes postales, avec brio, pour recréer des éléments aujourd’hui rasés ou emportés par la poussière. Beauté du froid et chaleur encourageante, les deux contradictions se rejoignent en ce qu’elles apportent plusieurs tons à l’œuvre entière.
© Casterman
Enfin, l’autre paradoxe réside dans l’action. En refermant le livre, hormis la route, le lecteur a l’impression que rien ne s’est vraiment passé. Le chemin parcouru, des personnages croisés souvent sans aboutissement, une société pas vraiment prête à changer... Seuls les points de vue changent, notamment sur un personnage ambigu, cet ancien soldat détrousseur de cadavre, alcoolique notoire mais charmeur à ses heures. Les deux femmes montrent un courage et une force incroyables, et leurs histoires sont touchantes, mais le récit n’est pas vraiment jalonné de péripéties ébouriffantes. C’est là encore une fois une force pour l’ouvrage. Par exemple, le narrateur, ce jeune Florentin, orphelin emmené sur les routes, n’a quasiment aucun rôle véritable dans l’histoire, hormis celui d’être régulièrement jaloux ou naïf. Blanca est une figure de fermeté, mais elle l’avoue elle-même, elle ne connaît pas grand chose et fait des erreurs. Pauline, au fond d’elle, souhaiterait revenir à sa vie d’avant, avec un mari aimant, sans errance et honte. Avec en toile de fond la lutte pour l’égalité des droits des femmes, qui n’auront le droit de vote qu’en 1944, 50 ans après les Néo-zélandaises... Mais encore une fois, ce thème est exploité par touches discrètes, avec un nom de livre d’époque aussi bien introduit que le « Les femmes ne peuvent pas faire ça » du frère de Pauline. Bref, une œuvre aboutie et sereine.
128 pages - 20 euros
Galerie Photos
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