Le Sauveur - La chronique BD

Lorsqu’un avion s’écrase en pleine journée sur une autoroute américaine, on croit à une histoire tournée vers le terrorisme. Mais le prologue voulait visiblement éviter cet écueil  : le héros est un bel homme nu, sauveur malgré lui et amnésique de surcroît. Émergeant des champs de maïs typiques de l’Amérique du Midwest, il tient dans ses bras une jeune fille qui a été éjecté lors du crash, indemne malgré sa chute. Les questions sont nombreuses, et concerne non plus du tout le crash en lui-même, mais toute la trame entoure bien ce personnage mystérieux. Autour, une journaliste nationale qui était revenue dans son patelin, une flic locale aux convictions bien trempées, un adolescent bancal qui vit sa révolte intérieure, sans oublier une adepte de secte pas banale, tous plus ou moins secondaires, gravitant au gré des chapitres. Si les pouvoirs du personnage restent volontairement flous, et finalement assez éloignés du superhéros de comic, l’intrigue manque cependant d’un peu de punch qui fait la renommée de la bande dessinée américaine. Son réalisme, puisque c’est à travers la psychologie après une catastrophe, la réaction face à l’inattendu puis le surnaturel, pourrait être un atout, mais il lui manque peut-être un soupçon de plus, disons de plus roman graphique et moins comic. Ainsi, les chapitres s’enchaînent sans que plusieurs n’apportent réponses ou même intérêt apparent pour le scénario. Plus complexe, mais pas encore assez pour entrer dans le thriller psychologique, ce comic fantastique possède une vision assez ésotérique et philosophique, mais pas le souffle nécessaire.

© Delcourt

Pour le scénario, le grand Todd Mc Farlane, créateur de Spawn, voulait donc s’étalonner sur une page vierge. Un coup d’essai intéressant mais encore à perfectionner. Côté dessin, on ne peut pas reprocher grand chose à Clayton Crain. Son style a une certaine puissance, lui qui a collaboré notamment à Carnage ou à Ghost Rider. Cette puissance se retrouve dans les émotions, les gestes plus simples cette fois, et dans un rendu qui rappelle certaines planches de BD européenne. Costaud, quitte à en faire un peu trop sur les éléments de pouvoirs, qui prennent vite des tournures rappelant eux les mangas. Un mélange un peu surprenant, mais qui se laisse lire de manière très agréable au final.

© Delcourt

Le Sauveur est une œuvre un peu bâtarde, sans être péjoratif, puisqu’elle a un thème et une approche qui la sortent des sentiers battus du comic, en six chapitres qui n’auront pas de suite. Cette intégrale casse les codes, sans crever l’écran mais en proposant quelque chose de nouveau, d’innovant et de pertinent.