Le 14 mai 2003
Jeune, noire, femme... Difficile de rester "impunie"...
Jeune, noire, femme... Difficile de rester "impunie", affirme Leone Ross. Une polyphonie de souffrance et d’espoir où les hommes sont tenus à distance.
Etre jeune, être femme, être noire, vivre dans une île majoritairement blanche, loin de celle où ses parents sont nés (quant aux ancêtres...). Autant de raisons de se sentir incertaine, en recherche, déracinée. Cette fragilité, les trois personnages du second roman de la britannique (anglo-pakistanaise) Leone Ross l’expérimentent tous les jours, chacune à sa manière, histoire d’itinéraire, de personnalité.
Alexandra, la journaliste qui croit voir "derrière les choses", la réfute absurdement, cherche à tout contrôler, craque de tous côtés. Nicola, la somptueuse actrice, suffoque dans le costume de princesse qu’elle s’est fabriqué. Seule Jeanette vit à fond, danse, vibre, fait l’amour. Mais peut-on vraiment rester "impunie" quand on n’a pas honte d’être jeune, d’être femme, d’être noire ? "Si tes oreilles elles savent pas entendre, Jeanette, c’est dans ta vie dans ton corps dans ta chair tu vas sentir", menace la petite mantra jamaïcaine de sa mère Mavis, dont la voix pétrie de culpabilité (belle traduction du patois jamaïcain par Lyonel Trouillot) s’infiltre au fil des chapitres, apportant une touche primitive et hallucinée à cette poplyphonie féminine (féministe ?) dont les hommes sont fermement maintenus à distance. Qu’ils soient bourreaux, pères, frères ou amants.
Plus sombre et moins ironique que celle de sa compatriote vedette Zadie Smith, l’écriture de Leone Ross ne cache pas ce qu’elle doit à la matrice Toni Morrison : des figures de femmes porte-voix, un magma de souffrance et d’espoir, de chair et de Dieu.
Leone Ross, Le sang est toujours rouge (traduit de l’américain par Pierre Furlan et Lyonel Trouillot), Actes Sud, 2003, 400 pages, 23 €
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