Le rire de ma mère - la critique du film

Notre avis : Tous deux techniciens de cinéma durant de nombreuses années, Colombe Savignac et Pascal Ralite se lancent dans l’aventure de l’écriture, puis de la réalisation pour donner naissance à ce premier long-métrage pudique et généreux, inspiré d’une expérience personnelle. L’adolescence, ce cap particulier de l’existence, a souvent suscité l’intérêt des cinéastes. Cette fois-ci, il s’agit de corser la situation en confrontant un jeune homme déjà perturbé par la séparation de ses parents à l’heure où lui-même connaît ses premiers émois amoureux, à la maladie. La bonne nouvelle, c’est que non seulement les scénaristes réussissent le tour de force d’éviter le pathos mais ils parviennent même à faire souffler sur cette histoire qui, a priori, ne se prête guère à l’hilarité, un vent de liberté.

Copyright la belle Company

On s’attache d’emblée à cette famille à l’authenticité parfaite. Certes décomposée, elle saura se recomposer intelligemment pour mieux lutter contre le malheur. S’il ne vit plus avec Marie (Suzanne Clément), une femme vive et impulsive, Romain (Pascal Demolon), un homme rassurant et posé nourrit toujours respect et tendresse pour elle. Il vit désormais avec Gabrielle (Sabrina Seyvecou), une jeune peintre douce et discrète un peu en retrait de la vie. En père et compagnon responsable, il veille au confort tant physique qu’intellectuel d’Adrien (Igor Van Dessel), son fils, un ado sensible et à la bonne entente entre tous les membres de son entourage. L’histoire se déroule à hauteur d’enfant. C’est pourtant l’énergie de Marie qui l’anime. Pas question pour elle de ralentir le rythme de sa vie, malgré le mal qui la ronge. Elle rit, fait du vélo, enfourche des motos, continue de fumer, de boire et de draguer et prend un malin plaisir à braver tous les interdits. Elle finit par insuffler ce bonheur de vivre à Adrien qui peu à peu se révèle et s’ouvre au monde. L’attention permanente que lui porte Romain, la bienveillance dont l’entoure Gabrielle donnent l’image d’une famille libre de toute convention, renforcée par le choix d’un décor grandiose dominé par le soleil, le vent et l’océan.

Copyright la belle Company

Si la fluidité d’un récit abordé avec simplicité et humour parfois, associée à la délicatesse des émotions qui l’entourent génère une intense chaleur de vie malgré la tristesse du thème abordé, c’est bien la justesse de choix du casting qui donne toutes ses lettres de noblesse à ce drame élégant et digne, à commencer par Suzanne Clément (remarquée dans Laurence Anyways de Xavier Dolan en 2012) qui prête son regard vif, sa silhouette gracile et son allure déterminée à ce personnage à la fois solaire et fragile pétri d’aspérités et de fêlures mais surtout de flamboyance. Le couple moderne et libre qu’elle forme avec un Pascal Demolon qui, loin des rôles comiques auxquels il est abonné, nous charme d’une émotion et d’une gravité qu’on ne lui connaissait pas contribue au maintien d’une poésie poignante et sincère, encore renforcée par la délicatesse de jeu de leurs partenaires, tout particulièrement celle du jeune Igor Van Dessel à la maturité étonnante.
Rendre légères les pires choses de la vie, voilà le pari gagnant de ces deux réalisateurs qui signent un hymne à la vie brillant de lumière et de rire.