L’Art et la manière
Le 7 juillet 2021
Un éveil musical délicat qui séduira à condition de savoir appréhender l’impétuosité douloureuse d’une composition classique.
- Réalisateur : Yaron Zilberman
- Acteurs : Catherine Keener, Christopher Walken, Philip Seymour Hoffman, Imogen Poots
- Genre : Drame, Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h47mn
- Date télé : 7 juillet 2021 20:55
- Chaîne : Arte
- Titre original : A late quartet
- Date de sortie : 10 juillet 2013
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Résumé : Quatre musiciens vont faire face à des épreuves pour rester unis. Ils seront confrontés à la mort, aux égos des uns et des autres, et à la soif de pouvoir...
Critique : Pénétrer dans un auditorium équivaut à réaliser l’insignifiance de l’être humain en tant qu’entité animale. A l’image des autres espèces, l’homme s’agite furieusement dès sa naissance, dans le but seul de satisfaire ses besoins primaires. Il mange, boit, respire, copule, dort. Une fois leurs désirs primitifs assouvis, hommes et femmes ont la capacité sublime de création. Parmi les arts universels en résultant, la musique se dresse comme un parangon de beauté. Le quatuor en interroge avec douceur l’essence, non sans s’essayer à faire vibrer la corde sensible de son public.
Depuis plus de vingt-cinq ans, le quatuor à cordes La Fugue, formé de virtuoses issus de la Julliard School, ensorcelle les connaisseurs et passionnés de musique classique. Leur glorieuse interprétation de l’Opus 131 de Beethoven concrétise un idéal de perfection rarement atteint. Ainsi, lorsque Peter, le mentor et membre fondateur, prend sa retraite après avoir été diagnostiqué de la maladie de Parkinson, l’équilibre ténu du groupe est réduit à néant. L’altération du vibrato d’exception de La Fugue ouvre une plaie béante dans les psychés des musiciens, et leurs démons se fraient dès lors un chemin vers la surface. Tandis que l’un prétend à plus de responsabilité et de reconnaissance, l’autre se perd dans une relation torride avec la fille du troisième membre. Appétits sexuels, pulsions amoureuses insatiables, névroses, orgueils et frustrations entament une amitié pourtant vieille de dizaines d’années.... Et, majestueuse, la musique règne en maîtresse jalouse sur cette étendue de souffrances et de désolation.
Orchestré avec application par Yaron Zilberman, Le Quatuor doit ses instants de grâce à son casting flamboyant. Christopher Walken est prodigieux en artiste trahi par son corps, la frustration qu’incarne Philip Seymour Hoffman émeut et contrarie de concert, Catherine Keener se montre inébranlable dans son rôle de femme à poigne, la prestance de Mark Ivanir envoûte irrémissiblement, et même la jeune Imogen Poots, enivrante, délivre une performance fort honorable. Si leur maîtrise de l’archet laisse entrevoir les failles d’une performance amateur, la virtuosité de leur savoir-faire de comédiens ne permet aucune mesquinerie à cet égard. Comme le film nous le rappelle d’ailleurs, l’osmose de talents conduit bien souvent à une apothéose sensible.
L’envie nous tenaille de pardonner au Quatuor, au nom de l’Art, ses élans par trop arrangeants. Fâcheusement, le cinéaste a insufflé à son œuvre une dimension ésotérique pour le moins troublante. La musique classique est certes, plus que toute autre, jalousement gardée par une petite frange économiquement souveraine. Malgré cela, l’élitisme dont le long-métrage fait état déçoit par la petitesse d’esprit qu’exprime son traitement. Que le cinéaste choisisse de s’intéresser à une situation de fait résulte d’une démarche justifiable ; le désintérêt – voire même le cautionnement- des aboutissants d’une telle conjoncture est, lui, sordide. La musique exalte les passions, console les âmes, élève les esprits, magnifie notre nature. Devons nous pour autant nos plus belles créations à la souffrance ?
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