Le 29 août 2017
Sur fond de querelle fraternelle, le décryptage réussi des coulisses de la gloire.
- Réalisateur : Teddy Lussi-Modeste
- Acteurs : Roschdy Zem, Maïwenn, Tahar Rahim
- Genre : Drame, Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h32mn
- Date de sortie : 30 août 2017
Résumé : Brahim est un humoriste en pleine ascension. Sa réussite, il la doit à lui-même et à l’amour qu’il porte à Linda. Bon fils, il soutient les siens depuis toujours. Mais pour durer, Brahim doit sacrifier son grand frère, manager incontrôlable. Si l’échec peut coûter cher, Brahim va payer un tribut encore plus lourd au succès.
Notre avis : La célébrité et la gloire qui l’accompagne, bon nombre en rêvent et seraient prêts à bien des concessions pour l’atteindre. Mme de Staël nous a mis en garde La gloire est le deuil éclatant du bonheur affirme-t-elle. Car la reconnaissance perpétuelle et l’adulation publique n’ont rien d’une sinécure ! Voilà ce que tend à nous démontrer ce deuxième film de Teddy Lussi-Modeste, d’autant plus quand cette célébrité s’installe au cœur d’une famille tentaculaire où, par tradition, tout se doit d’être obligatoirement partagé et où chacun ne peut exister autrement qu’en membre indissociable du groupe, toute réussite individuelle étant jugée contre-nature.
Le thème abordé n’est pas sans rappeler le parcours de Jamel Debbouze évoqué dans le documentaire Jamel en vrai en 2002. Mais le réalisateur s’appuie sur sa propre expérience. Issu de la communauté des gens du voyage, il n’a pas oublié la violence qui s’est abattue sur lui dès lors que ses aspirations l’ont incité à entamer une carrière cinématographique. Il y a six ans il avait déjà consacré son premier long-métrage, Jimmy Rivière, aux difficultés rencontrées par un jeune homme appartenant à cette même communauté dont il souhaitait s’affranchir.
- Copyright Ad Vitam
Quand le film démarre, Brahim est déjà au sommet de son succès. Tout semble lui sourire : il a de l’argent, il aide les siens, il vit une belle histoire d’amour. Dans la rue, on le reconnaît, on le sollicite et parfois on le harcèle. C’est alors qu’intervient son grand frère qui, à coup de méthodes peu recommandables, remet les opportuns à leur place quitte à écorner quelque peu l’image de la vedette en pleine ascension. Brahim prépare son deuxième spectacle et a bien conscience qu’il n’a droit à aucune erreur. Il sait qu’il va devoir choisir entre sa famille et sa carrière. D’ailleurs si Mourad considère que c’est à lui que Brahim doit son succès, c’est bien à Linda que Brahim adresse ses remerciements sur scène. La tendresse fraternelle du début va se muer petit à petit en drame filial nourri de fiel, de rancœur et de menaces jusqu’à nous mener aux portes du polar.
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La narration nous promène habilement entre la fausse magnificence de la réussite et la mélancolie qu’elle entraîne face à la difficulté de conserver une quelconque authenticité, tout en se préservant de privilégier un choix de vie plutôt qu’un autre. Dans ce film léger et sombre à la fois, le réalisateur le clame haut et fort : les requins les plus dangereux ne nagent pas dans les eaux du show-business mais bien au cœur de la famille. C’est en effet là que les attentes sont les plus grandes, les rouages les plus pervers. La dégradation de la relation entre les deux frères n’est qu’un prétexte à nous démontrer avec finesse l’incompatibilité universelle entre le strass et les paillettes due à la célébrité et les habitudes quotidiennes pour ne pas dire ancestrales d’une famille modeste. L’avoir installée au sein d’une famille maghrébine où la vie du groupe prévaut sur celle de l’individu et où l’entraide et la solidarité sont obligatoires sous peine de passer pour un traître donne une dimension supplémentaire à ce conflit intérieur.
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Le personnage de Linda (brillamment interprétée par Maïwenn auréolée d’une douceur qu’on lui avait encore peu vue au cinéma) se fait l’arbitre de la relation entre Brahim et sa famille. Lucide et forte, elle comprend très vite que Mourad tire son frère vers le bas et qu’il faut l’écarter. En lui présentant Hervé (Grégoire Colin au jeu tout en subtilité) pour booster sa carrière, elle sait qu’elle va créer une scission au sein de la famille dont elle sera la première victime. Si le rôle de Linda est essentiel pour la bonne compréhension du récit, c’est bien sur la totale osmose du duo Brahim (Tahar Rahim)/Mourad (Roschdy Zem) que repose toute l’aura du film. Si le charisme discret de Tahar Rahim habille d’une intense sensibilité ce personnage d’artiste en proie à des tourments insolubles, Roschdy Zem, casquette vissée sur la tête et chaîne en or autour du cou, se glisse avec une réelle sincérité dans la peau de ce Mourad, plus attachant qu’il n’y paraît, empêtré dans ses failles et ses blessures et dont la violence ne trahit que la frustration de ne pas posséder les bons codes pour parvenir là où il rêve d’aller. On ne regrette pas d’avoir assisté à cet affrontement subtil et habilement mené qui a, en plus, l’élégance de ne laisser sur le terrain ni vaincu, ni vainqueur.
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Carlo 16 juillet 2019
Le prix du succès - la critique du film
Un film touchant,une interprétation sans fausses notes... Le sujet m’intéressait particulièrement, je ne suis pas déçu. La critique qu’en fait Claudine Levanneur me paraît pleine de justesse.