Le 26 mai 2018
Biopic tendancieux, ce film limpide et prenant suit sur plusieurs décennies le parcours d’un détenu attachant, tout en proposant une réflexion moins superficielle qu’il n’y paraît.
- Réalisateur : John Frankenheimer
- Acteurs : Burt Lancaster, Karl Malden, Betty Field, Telly Savalas, Thelma Ritter
- Genre : Drame, Biopic, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Wild Side Video
- Durée : 2h27mn
- Box-office : 440 258 entrées France / 143 557 entrées Paris Périphérie
- Titre original : Birdman of Alcatraz
- Date de sortie : 26 octobre 1962
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– Sortie du coffret : le 6 juin 2018
Résumé : Après deux meurtres de sang-froid, Robert Stroud est transféré dans les quartiers de haute sécurité de la prison d’Alcatraz. Un jour, dans la cour, il trouve un moineau blessé. Il le recueille, le soigne et l’apprivoise. Étudiant sans relâche, il passe maître en ornithologie et devient "l’homme aux canaris".
Notre avis : On a beau avoir lu le livre qui accompagne ce Blu-ray et savoir que l’histoire de Stroud est largement embellie voire falsifiée, on embarque sans mal dans cette longue histoire s’étalant de 1912 à 1959 et, hormis de rares séquences devant Alcatraz ou dans la rue quand on suit sa mère, intégralement située dans les prisons. Ce n’est pas le moindre mérite du film que de rendre intense un scénario plutôt chiche en action et en événements. Mais le meilleur est justement dans l’attention portée aux petits faits, une méticulosité qui transforme des petits riens (la confection d’une cage, la naissance d’un oiseau) en puissantes raisons de vivre ; Le prisonnier d’Alcatraz convainc moins quand il prend « de la hauteur » et se veut philosophique (« la vie est un don trop précieux » dit Stroud à des détenus révoltés) ou lyrique (le plaidoyer du médecin qui voit le protagoniste comme un « génie »), ou encore quand les dialogues s’embourbent dans un style fleuri et pataud.
À son crédit, l’interprétation de Burt Lancaster, tout en sobriété, qui est presque de chaque plan et parvient même à prononcer des phrases sentencieuses avec talent. Il arrive à faire croire à un personnage intègre, plutôt victime que bourreau, inflexible et, vers la fin, incarnation de la sagesse érudite. Quant à son affrontement avec Karl Malden, le directeur de deux prisons successives, il montre ce que deux grands comédiens peuvent faire en maniant mots et silences magistralement : leur première entrevue joue magnifiquement du clair-obscur pour révéler des caractères et va trouver dans la suite des variantes subtiles, au fur et à mesure qu’ils vieillissent et se transforment. De même les différents acteurs ont-ils au moins une scène « à eux », et qui met en valeur une émotion particulière : jalousie de la mère jusqu’au reniement ; adieux déchirants de la femme, pour lesquels Frankenheimer retrouve la simplicité du champ-contrechamp. Mais ce que le cinéaste réussit impeccablement, c’est la gestion de l’espace dans les cellules : le chef-opérateur s’en donne à cœur joie, dans cet univers claustrophobe de lignes et d’ombres, saturant le lieu de grilles redoublées par les cages. Toute la première partie, avant Alcatraz, est ainsi une merveille de construction graphique en accord avec un suspens fondé non pas sur un manichéisme brutal, mais une humanisation progressive symbolisée autant par les rapports de Stroud avec son gardien (épatante scène des excuses) que par l’importance croissante accordée aux oiseaux. Il faut bien du talent pour centrer le film sur le combat contre la maladie aviaire ou le dressage de « Poucet », le moineau apprivoisé, sans tomber dans la mièvrerie.
Du talent, le réalisateur en fait également montre dans la stylisation de certains plans, même si parfois la rhétorique a quelque chose de systématique (les plans débullés pour signifier l’ivresse ou le chaos de la révolte). Mais c’est aussi dans le rythme, les accélérations subites, les ellipses, qu’il se révèle habile conteur. On oublie alors l’aspect pamphlétaire (car, après tout, le film vise à blanchir Stroud), d’autant que, assez finement, le scénario tisse quelques fils plus profonds : ainsi la réflexion sur le savoir comme liberté, l’obsession comme moyen de survie, densifient-elles une œuvre ambitieuse, soignée, et, par moments, profondément émouvante.
Les suppléments :
Le coffret contient un livre magnifique de 200 pages, riche en superbes illustrations, mais dont le texte est également passionnant : on y apprendra tout sur le cinéaste ou Lancaster, le vrai Robert Stroud, le film et les aléas de son tournage, ou encore Alcatraz. C’est très informé et d’une lecture plaisante. Quant au Blu-ray, il propose un entretien avec le cadreur du film, Richard H. Kline, précieux témoignage sur le tournage et ses conflits, le dressage des oiseaux, le choix du noir et blanc, même si les compliments abondent sur à peu près tout le monde (28mn). Enfin, la traditionnelle bande-annonce, non restaurée, donne une idée de la manière dont les producteurs voulaient que le film fût reçu.
L’image :
La restauration magnifie le beau travail sur le noir et blanc, rendant leur tranchant aux contrastes parfois saisissants. À de rares occasions, quelques plans moins bien définis n’entachent pas une copie précise, qui ne laissera rien ignorer du grain de la peau de Lancaster.
Le son :
Il vaut mieux oublier la VF, qui accentue encore le caractère sentencieux des dialogues et a plutôt mal vieilli. Plus fraîche, la VO met en avant la chaleur des voix (malgré une pointe de chuintement) et les quelques soulignement musicaux ont beaucoup de présence.
Galerie Photos
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