Le 9 mai 2021
Aux grands hommes, le cinéma de papa reconnaissant. Verneuil construit une histoire pour servir le patriarche Gabin, avec un personnage forcément irréprochable. La mise en scène pèse des tonnes.


- Réalisateur : Henri Verneuil
- Acteurs : Bernard Blier, Jean Gabin, Renée Faure, Henri Crémieux, Alfred Adam, Micheline Gary
- Genre : Noir et blanc, Thriller politique
- Nationalité : Français, Italien
- Durée : 1h50min
- Date télé : 9 mai 2021 13:35
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 1er mars 1961

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Résumé : Agé de 73 ans, l’ex président français Emile Beaufort joue toujours un rôle central dans la vie politique du pays. La rédaction de ses mémoires lui permet de revenir sur son parcours et d’évoquer ses relations avec Philippe Chamalont, sur le point de devenir président du conseil.
Critique : Adaptation du roman de Georges Simenon, cette incursion française dans la politique-fiction est une curiosité qui ne correspond pas à une tradition hexagonale. Verneuil s’en souviendra, en réalisant quelques années après I comme Icare (1979) et Mille milliards de dollars (1982). C’est la seule originalité de ce film, parce que, pour le reste, la mise en scène raide et empesée alourdit considérablement le propos politique, qui prend appui sur un vieil homme dont la retraite, conjuguée à une forme d’intransigeance et le goût des Mémoires, évoque immanquablement celle du général de Gaulle, sa fameuse "traversée du désert", entre 1946 et 1958.
Les allusions de Beaufort à ses ennemis de gauche et de droite renforcent la similitude, elles sont sagement transcrites par sa secrétaire, tandis que se précise également l’analogie entre Gabin et le personnage qu’il joue : en résumé, un connétable. Il y a dans la souveraine incarnation d’un symbole tous les ingrédients d’une de ces compositions prévisibles, comme les aima l’acteur, alors en pleine période "patriarche", sans doute la plus oubliable de sa carrière, puisqu’elle témoigna d’une appétence certaine pour les protagonistes hautement sermonneurs et paternalistes, volontiers portés sur les aphorismes dont Michel Audiard était un grand pourvoyeur, et qu’on se remémore encore aujourd’hui, de la même façon qu’on se réciterait des apophtegmes de La Rochefoucauld.
Ici, l’incorruptible Beaufort, seigneur en son domaine (politique ou privé), écrase tous ses collaborateurs, ses interlocuteurs, à qui il prodigue de vertueuses leçons de morale (le Conseil des ministres en constitue un exemple probant), quand il ne tance pas les femmes à son service. Résultat : les comédiennes sont réduites à interpréter des caricatures (pauvre Renée Faure, dans le rôle d’un faire-valoir, volontiers impressionnable).
A ce héros insécable, il fallait un vrai moment de bravoure : il aura pour cadre l’Assemblée nationale, où, pour reprendre le syntagme de François Bégaudeau, des "granzhommes" s’affrontent dans une sorte de concours d’éloquence.
Gabin y est impérial, forcément. De précieuses contre-plongées le couronnent. Ne manque plus à son justicier qu’un bâton de maréchal.