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Le 17 décembre 2003


Quel soulagement, Donna Tartt ne sera pas l’auteure d’un seul livre...
Quel soulagement, Donna Tartt ne sera pas l’auteur d’un seul livre, une figure mythique, pendant féminin de Salinger. L’attente a été longue depuis Le maître des illusions, son premier opus : dix ans. Mais, l’attente est récompensée, Donna Tartt confirme son talent de conteuse fabuleuse avec Le petit copain.
Alexandria, petite ville imaginaire du Mississipi. Dans les années 70, le jour de la fête des mères, le jeune Robin Clève, 9 ans, est retrouvé mort, pendu à un arbre. Le meurtre ne fait pas de doute, mais l’assassin ne sera jamais retrouvé. Le crime demeure incompréhensible et plonge la famille (surtout la mère de l’enfant) dans un chagrin incommensurable et sans fin. Au moment du drame, Harriet, la sœur de Robin, n’a que quelques mois. Les années passent, elle grandit dans l’indifférence générale, livrée à elle-même. Jusqu’à ce fameux été où elle décide de prendre les choses en mains : flanquée de son acolyte Hely, l’intrépide et délurée Harriet veut retrouver et éliminer le meurtrier de son frère.
Que l’on ne s’y trompe pas, Le petit copain n’a rien d’un thriller : rien de commun donc, avec Le maître des illusions, le premier livre de Donna Tartt dans lequel elle narrait la bacchanale meurtrière d’un petit groupe d’étudiants. D’ailleurs l’auteure ne révèle pas l’identité du "petit copain" : l’intérêt est ailleurs.
Au-delà du polar, Le petit copain se transforme en roman d’apprentissage : au cours de cette quête obsessionnelle, Harriet va découvrir toute la noirceur de l’âme humaine et s’initier douloureusement à la vie d’adulte, ce qui signifie perdre son innocence. Car dans ce Mississippi moite et étouffant, les apparences n’ont rien à voir avec la réalité, les prédicateurs flirtent avec les dealers, les vieilles tantes sont fantasques et les parents négligents. Rien à voir donc avec l’univers des livres qui ont bercé son enfance et dont elle a tiré les bases d’une certaine morale : l’héroïsme, le sens de l’honneur et du sacrifice, si chers aux romans du 19e n’ont pas cours dans cette Amérique sudiste.
Derrière cette intrigue, au final assez simpliste, l’incroyable virtuosité de Donna Tartt, son écriture ciselée, implacable et son sens du rythme dramatique éclatent en pleine lumière. Ils deviennent les instruments d’une chronique noire et amère d’un certain Sud des Etats-Unis, nostalgique de la splendeur perdue avec la guerre de Sécession. Ce Mississippi asphyxiant est celui du racisme ordinaire, de la violence sourde et de la misère. Avec une fresque historique et politique aussi riche et foisonnante, Donna Tartt nous donne de quoi patienter quelques temps avant sont prochain roman. Mais si elle pouvait éviter de nous faire languir une nouvelle décennie...
Donna Tartt, Le petit copain (The little friend, traduit de l’anglais par Anne Rabinovitch), Plon, 2003, 609 pages, 23,50 €