Le 29 septembre 2020
Avec des phrases brèves et rêches, Elliot Ackerman porte un regard vif et très pudique sur la guerre et sur les ravages qu’elle cause aux âmes, condamnées à errer entre passé et présent.
- Auteur : Elliot Ackerman
- Collection : Americana
- Editeur : Gallmeister
- Genre : Roman & fiction, Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Janique Jouin-de Laurens
- Titre original : Dark at the Crossing: A Novel
- Date de sortie : 1er octobre 2020
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Haris Abadi est né en Irak mais, grâce à l’aide qu’il a apportée aux soldats américains, il a pu émigrer avec sa sœur vers le Nouveau Monde. Seulement voilà, il est incapable de s’adapter à cette vie étrange, déconnectée de la poussière et du chant des muezzins, des traditions avec lesquelles il a grandi. Alors il part pour la Syrie, pour combattre le régime d’Al Assad et ainsi retrouver le Moyen Orient et la guerre. Entre la Turquie et Alep, il croisera d’autres hommes et femmes tout aussi tourmentés par leurs souvenirs, tout aussi perdus dans ce passage entre passé et présent, ici et là-bas, combats et paix.
Critique : Les phrases sont courtes, simples, rêches, cassantes. Le rythme est haché pour mieux dire la souffrance : les protagonistes d’Elliot Ackerman ont mal. Leurs cicatrices sont à vif, le processus de deuil n’est pas arrivé à son terme et ils errent à Antep, en Turquie, si près de la frontière syrienne, à mi-chemin entre la vie et la mort, entre leur passé et leur avenir. Ils sont dans une sorte de passage, bloqués, n’avancent plus, englués dans la terre sanglante. Haris, né en Irak, a pu la quitter et devenir Américain grâce aux combats. Daphne et Amir vivaient à Alep avant les bombardements, le feu, la mort. Désormais, ils flottent dans leur vie turque, ni ici, ni là-bas, dans un entre-deux brumeux et douloureux. Ils sont endoloris, comme anesthésiés par les années, par les corps des réfugiés qui hantent le parc qu’eux-mêmes traversent si souvent, par les blessures aperçues à l’hôpital.
Pour vivre, ils doivent être habités par une volonté quelconque, par un but. Une fois celui-ci trouvé, ils ne peuvent plus dévier du chemin ainsi décidé, ils doivent se frayer un passage et mener à bien leur mission – perdre cet objectif, c’est mourir. Daphne veut retrouver sa vie d’avant, comprendre ce qu’elle a perdu, voir les ruines qu’elle a abandonnées en suivant son mari hors de la Syrie. Amir, lui, refuse d’y retourner, de contempler le désastre, le cimetière qu’est devenue sa ville. Quant à Haris, l’Américain, il désire se battre et ainsi renverser le pouvoir syrien – dixit. N’est-ce pas plutôt ce besoin d’agir, de se mouvoir, de trouver une cause, qui l’anime, le pousse à entreprendre cette lutte et à tenter, par tous les moyens, de traverser la frontière ? Sans doute est-il dévoré par ses manquements, par les souvenirs du front où il était interprète pour l’armée américaine avant de quitter son pays natal pour le Nouveau Monde. Sans doute ressent-il le besoin de retrouver l’odeur de la poudre et du sang, pour faire taire ses remords et revivre ses réminiscences qui tourmentent ces pages. Les arrangements avec soi-même, les valeurs, la moralité, voilà ce qui est au cœur du Passage, roman finaliste du National Book Award : bien plus que la guerre en elle-même, c’est l’Homme et la vanité de sa vie qui sont mis en avant.
Elliot Ackerman opère, volontairement ou non, une mise à distance entre ses héros et le lecteur. Si l’émotion le traverse nécessairement à plusieurs reprises, les protagonistes lui restent étrangers. Spectateur, il se contente de suivre leurs pas, une crainte discrète au ventre. Il ne s’attache pas, s’intéresse seulement. Peut-être ce recul était-il nécessaire à l’auteur, vétéran de la guerre d’Irak et d’Afghanistan.
Elliot Ackerman - Le passage
Gallmeister
320 pages
23,00 euros
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