Le marin masqué - la critique

Décalée et poilante, Le marin masqué est une jolie comédie burlesque au format trop court. On en redemande !

L’argument : Lætitia et Sophie partent en week-end en Bretagne, dans la ville natale de Lætitia, Quimper. Au fil de leur séjour rythmé par les crêpes, les balades sur la plage et les sorties nocturnes à la "Chaumière", réapparait la figure du Marin masqué, amour de jeunesse de Lætitia.

Notre avis : Revenu au format court après le tournage de son long-métrage La vie au ranch, Sophie Letourneur expérimente avec fraîcheur et spontanéité la liste de toutes ces petites choses qui nous font battre le cœur. Ici pas de réalisme, juste des souvenirs. De l’imaginaire et du ressenti jouant sur le fil ténue de la mémoire affective : ’’on peut résumer en deux minutes dix ans de sa vie et s’étendre des heures sur un bref instant’’. Surtout quand il s’agit d’un garçon. Pour Laetitia, conductrice du véhicule, l’accroc est vieux de cinq ans. Il n’a pas de nom propre, que des noms secrets. Pour elle, c’est le marin masqué. Sur le siège passager Sophie, mariée et mère de famille, traverse une crise conjugale qui la lessive, littéralement. Fragile et presque atonique, elle contraste avec Laetitia, sèche et résolue, dont les certitudes s’accordent sur l’intransigeance de ton. Mais l’épopée bretonne vient tout remettre en cause et bientôt les rôles s’inversent...

Cocktail détonnant d’audace et de liberté, Le marin masqué détourne les us et coutumes cinématographiques au profit de bricolage et de mélanges pas toujours très catholiques. Retour au noir et blanc, son désynchronisé, voix-off, images figées et montage saccadé comme dans les vieux films de Charlie Chaplin, l’art est à l’essai dans le cinéma de Sophie Letourneur. A ceux qui lui reprocheront de s’attarder sur la forme sans approfondir le fond, on répondra que c’est parfois dans l’insignifiance de destins ordinaires que choisit de se nicher l’émotion. A l’écran, Laetitia et son regard troublé marque le cadre. Le marin masqué vient de refaire surface dans le décor. Commence alors pour les deux copines, une véritable enquête menée à rétrospection du crime : n’avoir jamais rappelé Laetitia. Humour vache et ironie mordante sont au rendez-vous pour ce petit film dont certaines répliques, sont pour nous, déjà cultes : L -’’Et là, je fais style je le regarde pas’’ S -’’Lui non plus il te regardait pas, du tout.’’ Au final, un film jouissif, sans prétention et bourré de second degré, fait par amour du cinéma. Tout simplement.