Le Lierre et l’Araignée - Grégoire Carlé - la chronique BD

Critique : À mesure que l’on s’éloigne d’elle, l’histoire mérite d’être rappelée, d’être remémorée. La Seconde Guerre mondiale a laissé des plaies, mais la plupart se sont refermées alors qu’elle a montré ce qu’il y avait de pire comme jalon de l’humanité. Les Shoah, Nuits et Brouillard ou désormais la série Apocalypse sont autant de documentaires qui doivent être vus, et Le Lierre et l’Araignée fait partie de ces albums qui doivent être lus. Plus moderne, plus récent, il est le fruit du travail personnel de Grégoire auprès de son grand-père, adolescent résistant alsacien. Aussi, ce roman graphique traverse les époques, nous parle d’un Rhin qui débordait, de poissons qui se font plus rares, d’oiseaux et de fleurs en détresse de notre époque, avant de basculer sur l’automne 1940 et ses conséquences. L’occasion de rappeler que l’Occupation, la Libération et les privations qu’elle engendre, l’Alsace les a bien connues, et c’est contre le joug nazi que l’on se rebelle, puisque le français et l’allemand sont des racines communes, et ne permettent pas la haine dans cette région frontalière. Une découverte d’un bastion abandonné de la Ligne Maginot et de ses munitions, et c’est le quotidien du travail qui se modifie, le comment ruser pour mieux manger devient l’organisation d’actes terroristes, et c’est un pan de l’Histoire qui se révèle ici et pas seulement d’une époque, complexe et importante pour tous.

© Dupuis / Carle

Le dessin se veut lui aussi dans cette parenthèse entre deux époques, choisissant un style assez brumeux, où les choses qui resplendissent sont la nature, faune et flore d’une Alsace sauvage, coulant dans les rivières et les marécages, étincelant de couleurs et de vie. Tout le contraire des bottes, des pancartes et drapeaux toujours glaçants de ce IIIe Reich, avec ces Jeunesses hitlériennes aux sourires trop blancs pour être francs, avec ces scènes de tortures évoquées seulement, sans être réellement griffées sur le papier, car beaucoup des jeunes de la Main Noire ne pourront témoigner, l’Histoire est racontée comme ce qu’elle est pour l’auteur : un souvenir, un agglomérat nébuleux d’impressions et d’anecdotes, tout ce qui est autour devant être brodé.

© Dupuis / Carle

Splendide retranscription du courage de la jeunesse et de la Résistance, dans une région qui a bien connu les conflits entre France et Allemagne (Prusse incluse), Le Lierre et l’Araignée est un roman graphique fort et digne du devoir de mémoire.