Le 31 mai 2016
Un film coup de poing radical, aussi bien dans sa mise en scène que dans son scénario implacable.
- Réalisateur : Magnus von Horn
- Acteurs : Ulrik Munther, Mats Blomgren, Alexander Nordgren
- Genre : Drame, Teen movie
- Nationalité : Français, Polonais, Suédois
- Distributeur : Nour Films
- Durée : 1h41mn
- Titre original : Efterskalv
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 1er juin 2016
- Festival : Festival de Cannes 2015
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Résumé : John, encore adolescent, rentre chez son père après avoir purgé sa peine de prison et aspire à un nouveau départ. Mais la communauté locale n’a ni oublié, ni pardonné son crime. Sa présence attise les pires pulsions chez chacun, l’atmosphère devient menaçante, proche du lynchage. Rejeté par ses anciens amis et abandonné par ses proches, John perd espoir et la violence qui l’a conduit en prison refait peu à peu surface. Dans l’impossibilité d’effacer le passé, il décide d’y faire face.
Critique : Pour être franc, on est agacé au début par une mise en scène pleine de tics « auteurisants » : goût du plan fixe, du temps mort et de la séquence longue, refus de la musique et de la profondeur de champ, ce qui occasionne un jeu permanent avec le flou, utilisation du hors-champ. Certes, on salue la rigueur du parti pris qui sera tenu tout au long du film, et produit de belles scènes : entre bien d’autres, le plan séquence rectiligne qui aboutit au bus après un trajet en moto témoigne d’un sens aigu du cinéma. Mais le revers de la médaille, c’est une impression de temps en temps de coquetterie, presque de préciosité.
Il y a pourtant, même dans ce début inégal, des éclats inattendus : l’agression dans le supermarché, aussi soudaine que violente, marque un pas dans la tension qui va crescendo tout au long du film. Mais c’est surtout dans la durée que cette œuvre austère et forte installe un climat pesant, insoutenable par sa dureté sans concessions. Car, disons-le, le malaise qui s’installe insidieusement dans les scènes du quotidien (le bureau de la proviseur, l’entrée en classe, le vestiaire, la cantine sont autant de lieux clos d’où sourd une menace permanente) devient peu à peu un spectacle violent qui noue la gorge du spectateur. Et cela, il faut le souligner, sans facilités ni manichéisme.
Les séquences proprement violentes (le passage à tabac, surtout) contaminent les huis clos et multiplient la dureté des rejets successifs de John ; tour à tour des anciens amis, Kim au premier chef, son père et, pour finir, sa petite amie, le repoussent plus ou moins brutalement. Cette injustice, même si l’on comprend assez tôt qu’il a un crime sur la conscience, l’entraîne dans une démarche suicidaire qui n’a pas d’issue : la belle fin, qui le voit partir sur sa moto, défiguré, est ouverte en ce qu’elle ne conclut rien, et fermée parce qu’elle ne peut pas davantage déboucher sur quoi que ce soit.
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Le Lendemain s’appuie sur un scénario impeccable, écrit par von Horn lui-même, qui s’attache à des personnages bien écrits : la famille composée exclusivement d’hommes, avec à sa tête un père autoritaire et taiseux qui perd pied peu à peu, le frère qui entre en révolte, le grand-père muet et indéchiffrable, autant de figures masculines dont le vie est bouleversée. Car dans cette petite ville sans histoires, l’arrivée de John, ou plutôt son retour, sert de révélateur à l’intolérance et la violence presque banales. Même la proviseure, gênée dès le début, peine à jouer un rôle positif et ne sanctionnera pas Kim pour avoir défiguré son ex-ami. Il faudrait d’ailleurs citer tous ces personnages secondaires, sûrs de leur bon droit et potentiellement meurtriers. Il y en a peu pourtant qui soient haïssables, tant leur médiocrité nous est familière.
Malgré quelques facilités, le film l’emporte par sa rigueur et par sa force : il bouleverse, indigne, émeut. Et certaines séquences sont d’une justesse et d’une beauté inouïe : on pense en particulier à celle dans laquelle le père va chercher Filip qui refuse de rentrer, et se heurte à l’hostilité des jeunes présents. La caméra ne quitte pas la voiture et toute la scène est vue à travers le pare-brise, ce qui accentue la violence tout en la tenant à distance ; nul voyeurisme, rien d’appuyé, mais une tension tenue de bout en bout.
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On l’a dit, il faut passer l’agacement initial ; à ce prix, on ne peut qu’être estomaqué par ce film brutal, exigeant qui procure un malaise croissant. Sans vouloir l’accabler sous des références, on pense parfois à Truffaut et ses 400 coups, notamment dans cette fin sobre. Mais l’intransigeance de Von Horn et l’inéluctabilité du scénario l’en éloignent et construisent une petite musique personnelle, entêtante, accentuée par le jeu obtus des remarquables comédiens. Au fond, et bien que cela ne soit jamais appuyé, Le Lendemain est un film moral, ou plutôt a un regard moral mais jamais moralisant sur notre société, et ce regard sec analyse froidement des réactions humaines. Et vu de près, il faut bien le dire, le spectacle est désespérant.
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