Le 24 avril 2024
Une fuite en avant étourdissante d’un gamin soldat israélien sur le front de Gaza, dépassé par le conséquences de sa désertion. Le Déserteur est un film autant courageux que troublant en pleine période de conflit entre Israël et le Hamas.
- Réalisateur : Dani Rosenberg
- Acteurs : Ido Tako, Mika Reiss, Efrat-Ben Tzur
- Genre : Drame, Teen movie
- Nationalité : Israélien
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 1h38mn
- Titre original : The Vanishing Soldier
- Date de sortie : 24 avril 2024
- Festival : Festival de Locarno 2023
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Résumé : Shlomi, un soldat israélien de dix-huit ans, fuit le champ de bataille pour rejoindre sa petite amie à Tel Aviv. Errant dans une ville à la fois paranoïaque et insouciante, il finit par découvrir que l’armée, à sa recherche, est convaincue qu’il a été kidnappé… Un voyage haletant, une ode à une jeunesse qui se bat contre des idéaux qui ne sont pas les siens.
Critique : Shlomi, c’est juste un gamin de dix-huit ans, propulsé sur le front de Gaza où s’opposent l’armée israélienne et les corpuscules armés du Hamas, avec au milieu des familles, des enfants, et des soldats qui n’ont rien à voir avec cette guerre terrible. Lui, ce qu’il veut, c’est échapper à la barbarie pour retrouver sa compagne, cuisinière dans un restaurant de Tel Aviv et la demander en mariage. Alors, au moment où il doit s’engager avec ses camarades sur la scène de guerre, mû par une irrésistible pulsion infantile, il prend la décision de déserter l’armée. Le Déserteur raconte ainsi cette fuite en plein cœur de Tel Aviv où la population se prélasse dans des restaurants, des bars de nuit ou la plage, à l’affût de tout ce qui pourrait faire penser à une attaque terroriste. Les télévisions montrent inlassablement les images de guerre sur la bande de Gaza, avec des prises de parole du gouvernement, faisant état à la fois de l’engrenage infernal qui se joue et d’une certaine quiétude d’esprit des personnes qui continuent leur vie dans la capitale.
- Copyright Sophie Dulac Distribution
Le Déserteur n’est pas un film politique frontal. Dani Rosenberg aborde la question complexe du conflit qui mine le Moyen-Orient, en prenant le parti d’un tout jeune homme, contraint de passer son service militaire à Gaza, moins engagé que miné par ses désirs de jeunesse. Il fait montre à la fois d’une grande débrouillardise pour échapper à l’armée et la police, et d’une puérilité monstrueuse qui le conduit à commettre le pire. Il vole des touristes français sur une plage, se réfugie dans des bars ou des restaurants, et affiche un sourire rayonnant, alors même que sa disparition est interprétée par les autorités israéliennes comme un enlèvement par le Hamas, justifiant le bombardement hasardeux du territoire occupé. Dani Rosenberg prend des risques importants en réalisant cette histoire, qui, au lieu de faciliter la compréhension du conflit entre la Palestine et Israël, génère le trouble chez le spectateur, écartelé entre son empathie pour les victimes du Hamas et la légèreté d’un gouvernement qui instrumentalise la désertion de Shlomi.
Le téléphone mobile du héros est omniprésent dans le récit. La mère du garçon appelle régulièrement et évidemment, on se demande comment le gouvernement de Netanyahou peut s’entêter à véhiculer sur les médias que le jeune homme s’est fait enlever par le Hamas. Là où le grotesque de la situation s’empire, c’est que le couple de Français que Shlomi a dépouillé de leur téléphone et leurs vêtements est, lui, capable, de le localiser à l’aide d’une simple application. On ressent l’ironie assumée de Dani Rosenberg qui faisait déjà la marque de fabrique de son dernier long-métrage La mort du cinéma et de mon père aussi. Le cinéaste fait montre d’un véritable courage à ridiculiser à ce point les autorités gouvernementales d’Israël, dans un contexte où personne ne peut se réjouir de la détresse des familles qui sont sans nouvelle des otages ou ont perdu un proche. En quelque sorte, Rosenberg dénonce avec force les velléités manipulatoires du régime de Netanyahou et du Hamas, ce qui a le mérite de rendre encore plus complexe le conflit qui se déroule actuellement.
- Copyright Sophie Dulac Distribution
Ido Tako interprète avec beaucoup de talent le jeune adulte. Il fait la démonstration d’une très grande agilité en grimpant sur les murs, se collant habilement dans la peau d’un soldat habitué à se faufiler entre les murs ou sur le sol. En même temps, il joue sur des expressions absolument juvéniles et désinvoltes, qui démontrent à quel point son passage à l’acte irresponsable relève plus de la gaminerie, que d’une volonté délibérée de trahir son pays. Il risque la prison, et au lieu de se rendre, aggrave sa situation dans une fuite peu raisonnée et suicidaire.
Le Déserteur est un film très troublant en pleine tourmente israélo-palestinienne. Il a été tourné bien avant les évènements d’octobre 2023, ce qui lui apporte une connotation presque visionnaire. Dani Rosenberg ne cache pas sa colère contre le régime de Netanyahou qui, au lieu de chercher l’apaisement entre les peuple palestinien et juif, joue sur les terreurs et la paranoïa des uns et des autres, rendant ainsi impossible toute forme de paix et reléguant chacune des communautés à des fantasmes haineux et irraisonnés. On pense à cette scène surréaliste où le garçon révèle à un marchand de nuit qu’il est le fameux soldat dont tous les médias parlent, lequel affiche une indifférence abyssale, comme si finalement la lutte fratricide qui oppose les deux territoires était un langage abscons et politique, noyé dans l’actualité des chaînes d’information.
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