Le 10 décembre 2017
Plus qu’une fable, ce film étrange fascine par sa mise en scène et son sujet très noir.
- Réalisateur : Mohsen Makhmalbaf
- Acteurs : Moharrem Zeynalzedeh, Mahshid Afsharzadeh
- Genre : Drame
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Cinéma Public Films
- Editeur vidéo : Tamasa
- Durée : 1h20mn
- Date de sortie : 10 janvier 1996
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– Année de production : 1987
– Sortie DVD : le 17 octobre 2017
Résumé : Nassim, réfugié afghan en Iran, a besoin d’argent pour faire soigner sa femme malade. Il s’engage dans un pari fou : pédaler pendant une semaine sur une bicyclette.
Notre avis : Le cycliste, par son sujet, pourrait côtoyer le néo-réalisme : un homme, pour soigner sa femme, pédale pendant sept jours sans s’arrêter. On s’attend à du misérabilisme, du pathos et des larmes. Or le cinéaste ne cesse de déjouer les attentes (les souhaits ?) du spectateur : son film souvent bariolé tire plutôt vers un baroque échevelé, quand de nombreux travellings passent derrière les coulisses du « cirque », ou quand la caméra multiplie les obstacles visuels de premier plan. Tout aussi étonnants, les plans guillerets avec les enfants ou le rêve de la femme, naïf, qui s’opposent à une société décrite comme féroce.
Ce sont entre autres ces idées de mise en scène qui complexifient ce qui pourrait n’être qu’une fable un peu grossière et univoque : si le sujet évoque On achève bien les chevaux, explicitement cité, son traitement louche du côté d’un Fellini assagi plus que de De Sica. Par ses sous-intrigues, ses personnages foisonnants, Le cycliste amplifie également la fable. Au lieu d’un homme en butte à des problèmes individuels, il redouble les menaces et les victimes, pour faire d’une simple dénonciation un réquisitoire en bonne et due forme : c’est l’ensemble des pauvres qui se fait exploiter, le cycliste, le motard, la gitane, pour qu’une poignée de profiteurs augmente ses gains, ignorant souffrances et peines. Mais la critique s’étend à l’état, aux médecins qui ne soignent que contre rémunération, mais peuvent aussi, par pur intérêt, s’attacher à endormir ou au contraire à doper le protagoniste. Bref, cet univers restreint se mue, par métaphore, en un pays tout entier gangrené par la corruption et le profit. Sans doute y a-t-il là une critique du capitalisme et de ses ravages, mais plus profondément, c’est l’âme humaine qui est mise à mal : le monde, aux yeux de Makhmalbaf, est un spectacle, et tout spectacle est cruel ; ainsi les gens paient-ils pour voir le motard tomber ou le cycliste défaillir, ainsi chacun, devant le film, est-il complice de ce voyeurisme exacerbé.
La dimension symbolique part un peu dans tous les sens, entre vision christique et significations du cercle omniprésent ; de même les maladresses de mise en scène ou d’interprétation (la plupart des comédiens sont des amateurs) sont-elles parfois voyantes. Mais la force du film, sa puissance de dénonciation, sont indéniables, jusqu’à la fin qui laisse un goût amer et interroge sur le sens de l’ensemble. Tel quel, et malgré quelques faiblesses, Le cycliste est une œuvre dérangeante, surprenante par son traitement, qui dépasse allègrement l’anecdote.
Les suppléments :
Dans le livret de 16 pages, deux textes, l’un de Eric Egan, l’autre de Vincent Ostria, sont développées des analyses passionnantes, la première étant en plus riche d’enseignements sur le contexte iranien. Avec le DVD, deux entretiens viennent nourrir notre réflexion : Mamad Haghighat (12mn30) parle du cinéaste, de ses influences, et du film, et notamment des thèmes (le cercle, les pauvres, le courage et la réussite). Intéressant par sa connaissance du réalisateur, ce module souffre d’un son désagréable. La seconde interview, celle de Makhmalbaf lui-même (27mn), est un retour sur le film et ses significations, instructif, mais qui ne brille pas par la modestie de l’auteur.
L’image :
Le DVD délivre une copie propre qui respecte les couleurs et les choix artistiques hétéroclites du film. Dans les plans d’ensemble, la précision n’est pas toujours au top, mais pour une œuvre de trente ans, le résultat est plus qu’honorable.
Le son :
La musique, très présente, sonne plutôt bien et les dialogues post-synchronisés à la hache, sont sans bavure, malgré quelques chuintements.
Galerie Photos
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