Le 24 mai 2022
- Date de sortie : 12 mai 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Disponible sur
Avec ce roman superbe, Brice Matthieussent immerge le lecteur dans un Vietnam à la fois fantasmé et cauchemardé, à l’aube écarlate de son basculement communiste.
Résumé : Ils sont quatre amis à se retrouver rituellement depuis des années, chaque premier samedi du mois, dans un petit restaurant vietnamien de Paris. Tous ont en commun les souvenirs d’une ancienne vie passée sur le continent asiatique. Ce soir-là, c’est Marco qui prend la parole – et il ne la lâchera plus. Sous le regard tour à tour intrigué, amusé ou inquiet de ses trois comparses, il plonge au coeur de ses ténèbres les plus intimes. Son récit va les ramener au temps du Vietnam des années 1970. Marco, alors tout jeune homme, revenu de l’utopie hippie et incertain de son avenir, inspiré par la figure de Malraux, avait décidé de partir jouer à l’aventurier au bout du monde, dans l’espoir de trouver un sens à son existence. Là-bas, deux rencontres cruciales, aussi belles que terribles, vont le bouleverser à jamais.
Critique : Brice Matthieussent raconte le Vietnam d’hier avec passion et sensibilité dans un roman puissant qui aborde la fragilité de la mémoire, le trouble qui naît de l’expérience, l’empreinte laissée par certains événements sur un individu.
Ses quatre personnages, amis de longue date, se retrouvent dans un restaurant asiatique auquel ils sont liés par leur passé – dont le lecteur ne saura rien. Un seul d’entre eux, Marco, se confie sur sa jeunesse, chose qu’il n’a étonnamment jamais faite, relatant deux moments marquants des mois qu’il passa au Vietnam, à la fin de la guerre, avant la prise du Sud par les communistes. Ses comparses écoutent, se laissent bercer par le récit qui colonise le roman jusqu’à fusionner avec lui. La plume, sensible, s’attarde sur le corps mis à mal, sur les sens envahis par l’étrangeté de ce pays – la peau moite, la lourdeur étouffante de l’air, le vert ondoyant à perte de vue, bientôt remplacé par des maisons à l’architecture typiquement française, bâties par des colons nostalgiques de leur pays. Au-delà du récit de voyage, Marco s’épanche, évoque soudainement et sans raison apparente ce qui l’a changé, là-bas, dans cet ailleurs fantasmé, enfin capable de mettre des mots sur ces péripéties. Au départ invisible, simples bruits sourds dans le lointain, la guerre s’est rapprochée, est devenue un fait tangible et dangereux qui a mis fin au rêve oriental déjà effiloché du protagoniste. Il revient ainsi sur un traumatisme sanglant – perte soudaine du langage et corps inondé d’informations perturbantes, hallucination qui distendit le temps et ce couloir écarlate qui, depuis, hante ses cauchemars. La raison s’était alors tue, remplacée par des sensations troublantes, mise à distance par l’incapacité de verbaliser cette expérience, de parler. Le sensible prit le relais, de même que quelques semaines plus tard : dans une plantation de théiers, image d’Épinal du XIXème siècle, l’impossibilité d’échanger avec une locale fit de nouveau des sens de Marco le seul réceptacle du monde extérieur.
Brice Matthieussent embrasse ainsi l’image stéréotypée des colonies comme lieux où les sens prennent le pas sur la pensée, où les corps sont à l’honneur, imaginant des instants qui relèvent du fantasme, mais aussi des expériences crûment réelles. Pourtant, Le couloir rouge est également une dénonciation de cette même pensée coloniale, portée par une fascinante puissance d’évocation. Les métaphores sensorielles pleines de poésie de l’auteur, sa manière d’évoquer la stratification des périodes temporelles, le temps suspendu, dilaté dans ce Vietnam figé par les souvenirs – et même avant, comme immortalisé sur une toile animée, peinte des siècles plus tôt –, font de ce roman une parenthèse précieuse qui suspend l’écoulement des secondes.
Brice Matthieussent - Le couloir rouge
Christian Bourgois
208 pages
18 €
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Galerie photos
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