Le 30 janvier 2025
Dans une langue cinématographique plutôt épurée, Jacques Otmezguine met en scène les tourments de la musique, de l’amour et de la guerre. Assurément une œuvre pour les amoureux de la musique de Chopin.
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- Réalisateur : Jacques Otmezguine
- Acteurs : Philippe Torreton, Nicolas Vaude, Laurence Côte, Andréa Ferréol, Zoé Adjani, Oscar Lesage, Pia Lagrange, André Manoukian
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Distributeur : Destiny Films
- Durée : 1h46mn
- Date de sortie : 29 janvier 2025
- Festival : Festival d’Angoulême 2024
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Résumé : À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, François Touraine, grand virtuose du piano, n’a d’autre choix que de partir jouer en Allemagne pour sauver la femme qu’il aime, sa professeure. Rachel est juive dans une époque qui ne le permet plus… À son retour en France, il n’est plus que l’ombre de lui-même lorsqu’il rencontre Annette. Elle fera un geste incroyable pour lui permettre de remonter sur scène.
Critique : Ce François Touraine pourrait être un personnage sorti de la vie réelle, d’autant que son périple de pianiste pendant les tragiques heures de l’occupation allemande l’amènent à croiser le chef d’orchestre Herbert Karajan dont le talent pourrait nous faire oublier qu’il a été adhérent au parti nazi. Là n’est pas l’enjeu principal de cette fresque romanesque qui amène le personnage principal, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, à réécrire son existence depuis l’enfance où il a appris le piano, et surtout où il a combattu pour faire échapper de la mort sa professeure de musique et amante, Rachel.
Nous voilà face à un film qui assume totalement sa part romantique et tragique. Si le pianiste représenté est manifestement un grand virtuose, il ne joue que du Chopin qui accompagne le drame. Le choix du pianiste est un récit imaginaire mais qui restitue avec une certaine vérité la complexité pour les personnes de l’époque de s’extraire de la manipulation de l’occupant allemand, tout en honorant ses valeurs d’humanisme et de tolérance. Le jeune homme accepte en effet de jouer dans un grand orchestre allemand, pour Hitler en personne, afin de sauver Rachel qui a tragiquement succombé à l’horreur de la persécution nazie.
- Copyright Destiny Films
Ce qui frappe d’abord dans le film, c’est la mise en scène très épurée. Les décors sont assez minimalistes, mêlant de temps à autre des images d’archives qui permettent de se plonger dans la France et l’Allemagne des années 30 à 46. On peut supposer que le projet a peut-être manqué de moyens mais, en réalité, l’académisme de la mise en scène conforte cette quête d’épure dans la manière de raconter le passé. Jacques Otmezguine semble laisser les spectateurs choisir l’interprétation qu’ils veulent donner aux ambitions artistiques du héros, dans un environnement extrêmement bourgeois, aux antipodes sans doute de ce que la majorité des Français traversaient. Il y a dans cette façon d’appréhender l’époque une véritable pudeur comme par exemple le seul froissement d’un drap rouge où s’affiche la croix gammée pour signifier la puissance de la dictature sur les consciences humaines.
À l’inverse de la mise en scène, Jacques Otmezguine choisit un acteur absolument volubile pour interpréter son protagoniste, François, en la personne d’Oscar Lesage. Assurément, ce rôle va donner un souffle à sa carrière tant le comédien habite son personnage avec une grande aisance. Il occupe l’écran tout entier, d’une part du fait de sa taille, mais surtout avec l’épaisseur émotionnelle qu’il donne à son personnage. Les femmes, dont Rachel, semblent presque disparaître aux côtés de ce gaillard sensible et sensuel.
La musique de Chopin est un personnage à part entière dans cette œuvre. On y reconnaît ses études majestueuses, son concerto merveilleux pour piano et orchestre, qui habitent le scénario avec force. Il y a d’ailleurs peut-être une certaine maladresse à cantonner le pianiste dans les seules œuvres du compositeur polonais, tant le répertoire pour le piano est immense. De même, la façon de coller la musique aux sentiments du héros gène parfois le spectateur, comme si la narration en faisait trop dans l’expression des émotions du héros. L’occasion est donnée aussi à Zoé Adjani, la nièce de la célèbre comédienne, de se révéler pleinement, dans son personnage d’amante qui permet au personnage principal de livrer son récit pendant la guerre.
- Copyright Destiny Films
Malgré l’ampleur de l’histoire, Le choix du pianiste souffre d’une certaine froideur qui empêche les émotions d’affleurer sur l’écran. Pourtant, Jacques Otmezguine va chercher le spectateur dans l’inconscient collectif, avec ces scènes de rafle qui inévitablement nous ramènent à un passé inconsolable et coupable. Le problème demeure en effet l’épure poussée trop loin dans le choix des décors, et la mise en scène, trop sage, pour donner la mesure de l’horreur qui a eu lieu pendant la guerre.
Mais loin de nous de penser que le long-métrage est raté. On a hâte de revoir Oscar Lesage dans un prochain rôle où il ne manquera pas de rappeler les traits ravagés d’amour de ce héros romantique, perdu entre un Julien Sorel amoureux d’une femme mûre et un Eugène de Rastignac dévoré par ses ambitions.