Le 9 mars 2020
Le réalisateur d’Oh Boy fait un sans-faute avec ce portrait terrible d’une femme, à l’orée de ses soixante ans, interprétée par une Corinna Harfouch avec une rare intensité.
- Réalisateur : Jan Ole Gerster
- Acteurs : André Jung, Corinna Harfouch, Tom Schilling
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : KMBO
- Durée : 1h38mn
- Titre original : Lara
- Date de sortie : 26 février 2020
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Résumé : Comme tous les autres matins, Lara débute sa journée par une cigarette et une tasse de thé. Aujourd’hui est un jour important : elle a 60 ans et c’est le premier concert de piano donné par son fils Viktor. Elle le soutient depuis ses débuts et se considère comme déterminante dans son succès. Mais Viktor est injoignable depuis des semaines et Lara semble ne pas être conviée à l’événement, contrairement à son ex mari et sa nouvelle compagne. La journée va alors prendre un tour inattendu.
Notre avis : Lara a soixante ans. A peine réveillée, elle ouvre la fenêtre de son appartement, comme tentée de mettre fin à ses jours. Mais elle est sauvée in extremis par des policiers maladroits qui lui demandent d’assister à la perquisition du domicile de son voisin. Le film alors prend la main du spectateur et accompagne Lara dans cette drôle de journée d’anniversaire, où il sera question d’amour tout autant que de violences maternelles, de musique, de douleur et de castration.
- Copyright Frank Griebe Schiwago Film
La puissance émotionnelle du personnage central du long-métrage serait inexistante, sans l’interprétation époustouflante de Corinna Harfouch. La comédienne allemande qui n’avait pas joué au cinéma depuis plus de six ans, semble totalement confondue à son personnage complexe. On croirait reconnaître dans ses postures, dans la sonorité de la voix, dans les traits du visage, le jeu subtil et froid d’une Isabelle Huppert. Le brillant réalisateur d’Oh Boy, qui dirigeait déjà Tom Schilling dans le rôle d’un trentenaire en pleine transformation, raconte aussi à travers son héroïne le récit d’une mutation. L’enjeu demeure pour elle d’accepter la carrière de pianiste qu’elle n’a pas eue, le talent indiscutable de son fils, et le vide qu’elle a créé autour d’elle depuis des années. Corinna Harfouch habite son personnage grâce à des dialogues fins et nuancés, des costumes et des maquillages qui renforcent le caractère plus que troublant de cette femme.
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La maternité est souvent mise en scène sur le grand écran. Cette fois, il s’agit d’une maternité avortée, défaite. Elle s’incarne dans le personnage de Lara, mais aussi de sa propre mère qui fait œuvre d’une rare violence. Le fils, lui, ne parvient pas à exister par lui-même, tant il est vampirisé par la brutalité psychologique de sa mère. Les hommes ne sont pas épargnés pour autant dans le film. D’un côté, il y a l’ex-mari de Lara, complaisant et démagogique, et de l’autre côté, ce vieux professeur de piano, méprisant et détestable. Jan-Ole Gerster manipule avec beaucoup de prudence ces caractères, pour éviter de tomber dans la caricature, voire dans la misanthropie. Jana se révèle en effet au fur et à mesure de la journée comme une femme cassée par les années d’ennui au travail, la frustration d’être passée à côté de son identité profonde, et un désir surhumain de faire de son fils celle qu’elle n’a pas pu devenir.
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Un grand soin est apporté à la musique. Le piano est très présent, et pour une fois, les doublures semblent totalement invisibles. Lara Jenkins décrit le droit que chacun a de réaliser ses propres rêves et de faire la part des choses entre ses aspirations personnelles et les projections que nous avons sur nos progénitures. La musique participe à ce projet de vie que chacun doit tenter de mener à bout, s’il ne veut pas succomber à l’aigreur. Heureusement, le film ouvre sur l’espoir et ne réduit pas l’humanité au pire. Le réalisateur montre avec brio qu’il n’y a pas d’âge pour se réaliser, et encore moins pour détruire ses proches, à cause d’obscures raisons personnelles qui n’ont rien à voir avec eux.
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