Le 30 juin 2021
- Réalisateur : Kon Ichikawa
- Acteurs : Ayako Wakao, Kazuo Hasegawa, Fujiko Yamamoto, Eiji Funakoshi
- Titre original : 雪之丞変化 [Yukinojō henge]
- Distributeur : Carlotta Films
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Date de sortie : 25 avril 1979
- Durée : 1h55mn
- Titre original : 雪之丞変化 [Yukinojō henge]
- Reprise: 30 juin 2021
Mélodrame inspiré du kabuki qui n’est pas sans évoquer William Shakespeare, La vengeance d’un acteur s’impose comme un classique servi par une photographie expressionniste, des cadrages saisissants et une stylisation proche de l’épure.
Résumé : Yukinojo, célèbre acteur de {kabuki}, vient jouer à Edo avec sa troupe. Un soir, sur scène, il reconnaît dans le public les trois hommes qui ont provoqué la ruine et le suicide de ses parents : le magistrat Dobe et les commerçants Kawaguchiya et Hiromiya. À l’époque, il avait alors juré de les venger coûte que coûte. Yukinojo compte bien tenir sa promesse et va pour cela se servir de la fille de Dobe, Dame Namiji, tombée amoureuse de l’acteur…
Critique : Des quatre-vingts longs-métrages de cinéma qu’a réalisés Kon Ichikawa - parmi lesquels des dessins animés, des films de marionnettes et des comédies - on ne connaît guère en France qu’une demi-douzaine de titres : deux films de guerre, La harpe de Birmanie (1956) et Feux dans la plaine (1959) ; une adaptation de Yukio Mishima, Le Pavillon d’or (1958) ; et le documentaire Tokyo Olympiades (1965). La reprise sur grand écran de La vengeance d’un acteur, dans une version restaurée, ne pouvait donc qu’éveiller la curiosité des cinéphiles.
- Copyright : Kadokawa - Tous droits réservés
Conçu à l’origine par la Daiei comme le trois-centième rôle à l’écran de la star japonaise Kazuo Hasegawa, qui apparaît notamment dans Les amants crucifiés (1954) de Kenji Mizoguchi ou encore chez Mikio Naruse, le film est d’abord un prétexte pour permettre à l’acteur de déployer toute la palette de son talent, en lui confiant deux rôles distincts : celui d’un oyama, un acteur de théâtre masculin spécialisé dans les rôles féminins, et celui d’un Robin des Bois aux manières bourrues - le défi pour le réalisateur étant de les faire apparaître autant que possible sur les mêmes plans.
Il s’agissait également de rendre hommage à la glorieuse carrière de Hasegawa, puisque déjà âgé de cinquante-cinq ans, il avait interprété le seul rôle-titre, vingt huit ans plus tôt, dans la première adaptation du roman qu’avait signée Teinosuke Kinugasa sous la forme d’un triptyque. La vengeance d’un acteur était donc à l’origine un film de commande, que certains n’ont pas hésité à présenter comme une punition imposée à Kon Ichikawa, par des producteurs lassés de ses continuels dépassements de budget.
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Pourtant, à l’aide de son épouse, la scénariste Natto Wada, le réalisateur a réussi à créer, à partir de l’intrigue d’Otokichi Mikami, une véritable fantasmagorie cinématographique. Sur une musique aux accents jazzy, il multiplie ainsi les audaces visuelles, stylisant les décors au moyen de toiles peintes et d’arbres nus, employant les couleurs de manière abstraite et jouant avec virtuosité du format scope. Il n’hésite pas non plus à changer de ton avec la même maestria qu’il dédouble son acteur principal, oscillant constamment entre rebondissements dramatiques, scènes de comédie ou séquences de chambara.
De plus, en choisissant de tourner exclusivement en studio, le cinéaste met en abyme l’artifice du théâtre kabuki, composant souvent son image sur deux dimensions et entretenant volontiers la confusion entre fiction scénique et réalité, mais aussi théâtre et cinéma. Il associe enfin à Kazuo Hasegawa, vedette vieillissante du jidaigeki, la starlette Ayako Wakao, et réserve une apparition à Shintaro Katsu, qui venait de devenir la coqueluche du public japonais en incarnant le célèbre masseur aveugle dans les premiers Zatoichi.
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Mais l’intérêt du film réside surtout dans le décalage entre l’apparence de femme à la démarche glissante et aux gestes délicats, que donne à voir le héros même hors de la scène, et la mission qu’il mène, avec une détermination et une violente saisissantes, contre les traîtres qui, en les ruinant, ont poussé ses parents au suicide.
Car, faisant tomber hommes et femmes dans la toile de son plan machiavélique, ainsi que sous son charme (de manière volontairement provocante de la part d’Ichikawa), l’acteur du titre use de tout son art, sans jamais se départir de sa voix de fausset et de ses minauderies, pour honorer le serment de mort qu’il a prêté aux mânes de ses géniteurs.
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Le propos sur la vengeance est, en revanche, plus convenu puisque le film en traite la thématique à la faveur d’un stratagème rocambolesque, qui rappelle certes l’Edmond Dantès du Comte de Monte Cristo, mais dont la réalisation pourra sembler au spectateur trop complexe et hasardeuse pour être mise en scène, de manière vraisemblable, en moins de deux heures.
De même, afin de donner une conclusion morale à un film très noir, tant par sa tonalité que par son atmosphère nocturne, Kon Ichikawa ne choisit de permettre à son acteur d’assouvir sa vindicte que pour lui faire constater, de manière attendue, que, loin de lui apporter le soulagement et la paix, elle laisse inévitablement un amer goût de sang. L’audace du cinéaste reste donc cantonnée à la dimension visuelle de son film, mais suffisamment pour faire de La vengeance d’un acteur un classique qu’il faut avoir vu sur grand écran.
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