La Vallée du diable - La chronique BD

Le groupe hétéroclite issu du magnifique Sentier des Reines semblait partir pour une nouvelle vie, loin de la froide Savoie, en route pour la Nouvelle-Calédonie et ses chaleurs. Une différence de température qui peut s’apparenter à l’Enfer sur terre pour certains. Blanca, Pauline, Arpin et Florentin vont donc arriver sur une terre où ils ne connaissent rien ni personne. Passé un bref prologue sur l’arrivée du bateau à Nouméa, et avant un court épilogue inattendu, ce sont deux parties qui vont conter les aventures de nos quatre Savoyards, perdus au bout du monde, avant et pendant la tempête tropicale. La Nature est encore à l’honneur, loin de l’immobilité hautaine des montagnes, c’est la terre de feu, celle du cobalt et du nickel, qui s’impose désormais. Avec son vent chaud, il met les nerfs à vif d’un pentagone amoureux, où personne ne reçoit l’amour de celui qu’il attend. Les années ont passé, et les liens se sont tissés ou distendus. Blanca, essentielle dans l’album précédent, est désormais en retrait, toujours agissante mais dans l’ombre. Florentin veut grandir trop vite, Pauline croire à quelque chose, Arpin échouer dans sa rédemption, tandis que d’autres personnages viennent se greffer, un propriétaire anglais éconduit, un marchand sans scrupules, un Kanak bruissant de révolte... Comme d’habitude, les caractères sont élégamment tissés, et la toile amoureuse tragique se construit pas à pas, jusqu’au dénouement en forme de cyclone, qui emportera quelques âmes.

© Casterman

Au niveau graphique, les traits sont toujours là. Les personnages sont retrouvés avec plaisir, grandis, vieillis, amochés par le climat ou les années, mais aisément reconnaissables. Le milieu dans lequel ils évoluent est lui complètement différent : l’ocre, le vert, le bistre et le sépia donnent le ton, là où le bleu et le blanc dominaient. Quand la terre craque, c’est la brique et la glaise qui apparaissent, avec une seconde partie sépulcrale, lourde comme un orage sans pluie. Le lecteur se prend à suer lui aussi, étouffant dans cette brousse faite de peuples déportés, d’anciens forçats et de colons méprisants. Heureusement, la conclusion apporte une bouffée d’air après la tempête, tandis que la tragédie prend fin.

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A nouveau conseillé par une historienne, Anthony Pastor promène ses personnages au bout du monde, sans quête ni destin, simplement ballottés par les vents et les aléas du début du XXème siècle. Dénonciateur d’une époque et d’une méthode de colonisation française souvent ignorée, il livre une œuvre superbe sur la Nouvelle-Calédonie inconnue, et sur le courage mésestimé d’avoir à se reconstruire.