La Sage-femme du roi - Adeline Laffitte, Hervé Duphot - La chronique BD

Critique : Le travail d’historien est un polissage permanent des contours d’une vérité passée. Il est quasiment impossible de la cerner en entier, mais parfois des pans de lumière la dévoilent, parfois il faut gratter une couche d’obscurantisme ou de mensonge pour la découvrir entièrement. Dans le cas d’Angélique de Coudray, il s’agit plutôt d’un voile volontaire - comme souvent avec les femmes qui apportent beaucoup - entretenu sur un rôle fondamental pour la médecine moderne. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans cette bande dessinée historique : montrer une avancée pertinente, liée à une femme scientifique dans l’âme et dévouée à sa tâche. En permettant à ses contemporaines d’accoucher dans de bonnes conditions et en les formant, Angélique du Coudray a en effet du combattre un double ennemi : premièrement, les rituels mystiques et pratiques ingénues, au mieux inoffensives, au pire dangereuses, incarnées par des femmes récalcitrantes à se dévoiler. Dans un second temps, c’est le patriarcat, incarné par les hommes chirurgiens, désireux de ne pas laisser une niche de spécialité féminine, au mieux pour s’enrichir eux-mêmes, au pire pour décourager les rares femmes cherchant à s’émanciper. Bref, des écueils extrêmes dont elle va triompher, rendant cette histoire dans l’Histoire incroyablement inspirante.

© Delcourt / Laffitte - Duphot

Pour appuyer les recherches intenses d’Adeline Laffitte, le dessin d’Hervé Duphot vient donner un cadre très simple, sans apparat. Ainsi, tandis qu’elle doit rejoindre la province, on découvre des châtelains loin du faste de la Cour, des villages tristes sous la pluie, mais aussi un Paris plein de poussière, des rues encombrées et de nombreux personnages sans vêtements irrésistibles. Non, le vrai détail réside dans le mannequin d’accouchement, identique à la vraie, comme le montre la photographie présente dans la postface, ou encore dans la douleur d’un accouchement, la moue d’un bébé encore couvert de placenta, insistant ainsi encore davantage sur l’intérêt principal de l’album.

© Delcourt / Laffitte - Duphot

Véritable travail d’historienne, vulgarisé avec sérieux, cet album rappelle que des pans de l’Histoire sont encore ignorés et pourtant méritent d’être mis dans la lumière, en particulier lorsqu’il concerne une avancée de la médecine par une française.