La Purge, Saison 1 - la chronique DVD

Notre avis : Tout le monde connaît la fête cathartique nationale américaine du soir du 31 octobre, à savoir celle d’Halloween. Tout le monde connaît le serial killer que John Carpenter en a fait émerger au cinéma : le terrifiant Michael Myers. La fête est désormais célébrée en France et accompagnée de sorties vidéo et cinématographiques, adaptées pour la circonstance.
Imaginez maintenant que cette fête cathartique soit amplifiée, qu’elle devienne une pratique nationale américaine non plus folklorique, mais légalisée, légitimée et institutionnalisée, de façon à ne pas durer simplement une soirée, mais toute une nuit, permettant, au lieu de collecter déguisé en créature de la nuit des bonbons contre la menace d’un sort, la transformation des Américains, toutes catégories sociales confondues, grimés, masqués, armés... en véritables serial killers, donnant la mort, avec pour contrepartie de n’oublier personne et de gâter leurs victimes de la façon la plus atroce. C’est l’objectif de la purge au propre et au figuré, dont il est question dans la série The Purge, créée par James DeMonaco. Ce dernier a lui-même réalisé le troisième volet de la tétralogie American Nightmare, qui a inauguré cet événement devenu une référence désormais mythique du cinéma d’horreur.
Dans le cas de la série, située chronologiquement entre les deuxième et troisième volets de la tétralogie, le scénario, construit à plusieurs voix, élabore une histoire qui permet de suivre, non pas un seul personnage, mais plusieurs Américain-e-s, par alternance, issus de différentes origines socio-ethniques présentes aux Etats-Unis, animé-e-s d’objectifs divers et dont les chemins vont se croiser, au cours de cette nuit qui dure douze heures. On retrouve à travers la série, avec les moyens techniques inaugurés dans American Nightmare, les scènes nocturnes où s’expriment toutes les violences possibles, au nom de la santé économique du pays et du besoin de l’être humain d’expurger ses instincts in vivo et non pas en tant que spectateur des jeux du cirque ou d’un programme télévisuel. Après l’annonce du début et de la fin de cette nuit, une course contre la montre se met en place pour ceux qui tentent de survivre et de garder une once d’humanité. C’est en cela que The Purge reprend deux procédés scénaristiques, l’un hérité de 24 heures chrono : la série est presque tournée en temps réel (dix épisodes, pour simuler presque douze heures nocturnes), l’autre issu du slasher : le spectateur se demande qui, parmi les quatre ou cinq héros de la série, va mourir en premier ou en dernier ou qui - selon les codes puritains qui parcourent ce genre cinématographique - sera suffisamment pur-e pour survivre. The Purge, tout en reprenant le principe idéologique de American Nightmare, s’en éloigne malgré tout sur les plans narratif et esthétique. Le temps s’écoule plus lentement - peut-être parfois trop - et l’image ne bénéficie pas des effets visuels de la tétralogie cinématographique : pour s’en convaincre, il suffit de (re)voir American Nightmare 3 : Elections où James DeMonaco fait preuve de maîtrise dans la mimesis du cauchemar et de l’horreur. Il est vrai que, concernant la série The Purge, il n’a réalisé aucun épisode et en est simplement le créateur.
Par ailleurs, The Purge bénéficie d’une bande-son de qualité pour le générique, créé par Tyler Bates, auteur de celui de la trilogie John Wick et guitariste du chanteur controversé Marilyn Manson, dont on peut d’ailleurs repérer, parmi certains épisodes, des versions instrumentales ou chantées de ses morceaux indus-electro-gothic ("Killing Strangers" et "Odds of Even").
La série s’inscrit également dans l’actualité aussi bien médiatique que politico-religieuse des Etats-Unis. Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, le champ télévisuel voit fleurir les séries inscrites dans un futur proche où la dictature, l’obscurantisme et l’intégrisme sont mis en avant. The Purge s’inscrit dans le chemin tracé par The Handmaid’s Tale (La Servante écarlate), et pose la question du devenir de la démocratie et de la religion, telles qu’elles sont conçues et perçues aux Etats-Unis. Se posera-t-elle en Europe ? Peut-être aura-t-on la réponse dans la seconde saison à venir de la série, car le problème de l’introduction européenne de "la purge" est soulevée dans cette première saison.