Quelque part en Irlande. Trempé comme une soupe, harcelé par les moucherons, glissant sur les berges boueuses, le père Declan s’obstine à pêcher tout en moulinant dans sa tête les confidences de sa paroissienne Enda dont le compagnon vient de mourir. Tout le monde les croyait mariés. Le prêtre mène une lutte sans merci avec les éléments, à l’image de son combat intérieur : la révélation du secret d’Enda l’a bouleversé.

Riche idée de Joëlle Losfeld de republier l’introuvable et délectable roman de Jeannette Haien [1]. Histoire trompeusement simple, celle d’un homme d’Eglise fasciné par une femme par certains côtés frêle et vulnérable, mais qui a osé traverser la vie avec volonté, confiance et audace. Cette femme qui lui parle à coeur ouvert, qui lui raconte sa terrible enfance puis les temps plus cléments de l’après, bâti avec son compagnon, il la trouve "merveilleuse" et ressent, au fil de son témoignage, une complicité à laquelle il ne peut résister. Des liens subtils se tissent, réveillant le sentiment de solitude du père Declan et suscitant son interrogation sur la notion de faute. Pécheresse pourtant, Enda l’est, dans le sens où l’entend l’Eglise. Mais la compréhension l’emportera sur les idées reçues et les codes moraux, dans un splendide retournement de situation, donnant un sens profond au pardon et à la vertu d’espérance. Magnifique parabole qui galope à la vitesse des nuages dans le ciel d’Irlande, irradiante d’empathie, inoubliable.