Le 8 septembre 2024
Virtuose et élégant, le nouveau film de Matthias Glasner, subtilement situé entre Michael Haneke et Ruben Östlund, suit la plongée en enfer d’une famille hantée par ses névroses. Une œuvre aussi cynique et drôle que dramatique.
- Réalisateur : Matthias Glasner
- Acteurs : Lars Eidinger, Corinna Harfouch, Ronald Zehrfeld, Saskia Rosendahl, Robert Gwisdek, Lilith Stangenberg
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Bodega Films
- Durée : 3h00mn
- Titre original : Sterben
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 4 septembre 2024
- Festival : Festival de Berlin 2024
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Résumé : Tom, chef d’orchestre à Berlin, est sur le point de devenir le père de l’enfant de son ex-femme. Sa sœur Ellen, entame une liaison avec un homme marié, avec qui elle partage une passion pour l’alcool. Leurs parents déclinent physiquement et se sentent délaissés par leurs enfants. Alors qu’ils tentent de renouer des liens, les non-dits empêchent la famille Lunies de se réconcilier.
Critique : Le cinéma allemand nous a souvent habitués à une tonalité frontale et dure, voire radicale. C’est en partie la caractéristique de ce film de Matthias Glasner, qui, enfin, du haut de ses presque soixante ans, accouche d’une œuvre absolument magnifique, qui s’autorise toutes les audaces. Le titre original est emprunté au morceau de musique que le chef d’orchestre berlinois, Tom, monte avec son orchestre, écrit par un compositeur sinistre. En fait, tous les personnages de cette plongée en enfer sont au bord d’une forme de mort, qu’il s’agisse de ce chef d’orchestre d’une froideur inouïe, de sa sœur alcoolique et destructrice, que des parents emportés par les maux terribles de la fin de vie.
Le réalisateur germanique parvient à rassembler dans un récit long, mais jamais ennuyeux, tous les styles du cinéma. Le spectateur tremble autant qu’il rit ou succombe à l’empathie à l’égard de cette famille, rongée par la névrose et le désarroi. La partition est un film de la décadence, qui tacle avec cruauté notre époque contemporaine où les individus perdent leurs repères dans la compréhension des autres et du monde. La solitude qui assaille les protagonistes de cette fable pessimiste est profonde, indépassable, les condamnant à l’effondrement total. Le film ne fait assurément pas dans la nuance, à commencer par les trois heures qui donnent à l’histoire toute l’envergure qu’elle mérite.
- Copyright Jakub Bejnarowicz, Port au Prince, Schwarzweiss, Senator 2024
Comme une illustration mélancolique de l’affliction qui saisit nos sociétés contemporaines, La partition déroule à travers ses personnages tous les maux de la modernité. Les personnes âgées succombent à la solitude morbide des maisons de retraite, et les plus jeunes s’empêtrent dans des tourments quasiment insolubles, hérités d’années de non-dits ou de ratages communicationnels avec leurs parents. Le long-métrage ne cherche pas embellir les choses : les êtres qui hantent cet univers se dégradent lentement à l’image de la jeune sœur, particulièrement emblématique, qui se retrouve défigurée après sa première nuit d’amour avec un dentiste alcoolique.
Il faut saluer la musique symphonique qui appuie avec brio le drame qui étouffe les personnages. Une scène très belle où le chef d’orchestre s’autorise à détourner la volonté du compositeur illustre particulièrement la force musicale du film, avec l’ensemble des interprètes classiques et le chœur d’enfants. L’émotion est immédiate comme si le spectateur avait lui-même été propulsé dans la salle de répétition ou dans un théâtre.
- Copyright Jakub Bejnarowicz, Port au Prince, Schwarzweiss, Senator 2024
La partition s’affirme comme un film intègre, sans nuance, peut-être aussi monstrueux que les personnages eux-mêmes que le film met en scène. Chacun à sa manière montre le visage de la cruauté à la manière d’un film de Haneke, d’Östlund, ou même de Bergman. D’ailleurs, le réalisateur ne se prive pas d’intégrer dans ses dialogues des citations explicites à des classiques du cinéma qui montrent le souci permanent d’une écriture noble et dense.
On n’est donc absolument pas surpris par le prix du scénario attribué par le jury du Festival de Berlin. La partition est un film ample et brillant, qui passionnera autant qu’il clivera les spectateurs. Un coup de force absolu.
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