Rencontre avec un hippopotame
Le 5 février 2013
Déroutant et insaisissable , le nouvel opus d’Ulrich Köhler confirme la stature de cet immense cinéaste cultivant comme personne une stimulante esthétique de la déception.
- Réalisateur : Ulrich Köhler
- Acteurs : Hippolyte Girardot, Thierry Hancisse, Nathalie Richard, Jean-Christophe Folly, Jenny Schily, Pierre Bokma
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Allemand, Néerlandais
- Durée : 1h31mn
- Titre original : Schlafkrankheit
- Plus d'informations : http://www.festivalcineallemand.com...
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– Ours d’argent au Festival de Berlin 2011
– Sortie en Allemagne : 23 juin 2011 (19.729 entrées en août)
– Tournage du 25 janvier au 30 mars 2010 au Cameroun et en France
Déroutant et insaisissable , le nouvel opus d’Ulrich Köhler confirme la stature de cet immense cinéaste cultivant comme personne une stimulante esthétique de la déception.
L’argument : Yaoundé, Cameroun. Ebbo, médecin allemand, dirige un centre destiné à lutter contre la maladie du sommeil. Attaché à l’Afrique, il refuse de suivre sa femme qui veut le voir rentrer en Allemagne. Quelques années plus tard, un médecin franco-congolais, Alex part à la rencontre d’Ebbo.
Notre avis : Récompensé d’un Ours d’Argent berlinois qui en a surpris et même contrarié plus d’un ce troisième long-métrage du plus insaisissable des nouveaux cinéastes allemands risque fort de décevoir sur tous les tableaux les spectateurs qui, à la lecture du synopsis, s’attendraient à une analyse politique et socioéconomique de l’Afrique d’aujourd’hui ou à une plongée romanesque mystico-conradienne (l’intrigue est en partie basée sur Heart of darkness) dans l’altérité absolue de ce monde où l’homme occidental ne peut, croit-on, que se perdre irrémédiablement.
Certes ces dimensions sont présentes dans Schlafkrankheit et Koehler, qui a passé une partie de son enfance au Zaïre, pointe très précisément la gangrène du néo-colonialisme et de la corruption endémique qui sévissent dans ces pays (en l’occurrence le Cameroun où se déroule l’action), mais comme en passant, sans lever un doigt dénonciateur ou chercher à donner des leçons.
- Pierre Bokma - Jean-Christophe Folly
Quant à l’appel du vide auquel cède le médecin allemand incapable de retourner dans l’Europe civilisée il est bien palpable et l’interprétation de Pierre Bokma confère à ce personnage maître en auto-dérision une indéniable aura romanesque.
On ne niera pas qu’une atmosphère mythique de conte ancestral colore la dernière séquence dans la forêt. Mais Köhler refuse obstinément de céder aux sirènes du lyrisme et l’apparition finale de l’hippopotame est un clin d’oeil énigmatique qui rétablit la juste distance obtenue en adoptant dans toute la deuxième partie le point de vue du néophyte déboussolé.
Ce rôle est dévolu à un jeune médecin noir né en France , comme il est obligé de le préciser à plusieurs reprises, mais placé dans la position de l’homme blanc perdu dans un environnement qui lui est totalement étranger.
Cette inversion, qu’on pourra trouver facile, est caractéristique de l’humour omniprésent dans ce film, comme il l’était déjà dans les étonnants Bungalow et Montag kommen die Fenster. Mais là aussi Köhler se garde bien de calculer ses effets et n’a pas peur de tomber à plat.
- Schlafkrankheit
C’est même d’une certaine manière ce qu’il recherche systématiquement, tout comme il se refuse au crescendo dramatique ou simplement à toute hiérarchisation des éléments, conscient que c’est cette esthétique de la déception qui va lui permettre de quitter les sentiers balisés et de faire surgir une vérité paradoxale et non récupérable.
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