La Forteresse - coup d’oeil

Pour la première fois de son histoire, l’Office fédéral des migrations (ODM) de la Suisse ouvre ses portes à une caméra et à un cinéaste en colère. Le résultat : un documentaire étonnant à découvrir dans nos salles le 28 mars.

L’argument : Pour la première fois, une caméra franchit la porte d’un Centre d’accueil pour requérants d’asile en Suisse, sans aucune restriction. Elle nous offre un regard à hauteur d’homme sur un lieu de transit austère où 200 hommes, femmes et enfants attendent, entre doute et espoir, que l’Etat décide de leur sort. L’empathie et la méfiance ponctuent les échanges entre les résidents et le personnel du Centre, chargé d’appliquer la loi la plus restrictive d’Europe en matière d’asile. La Forteresse nous plonge, avec une émotion qui n’exclut pas l’humour, au cœur de ce tri quotidien d’êtres humains.

Notes : Documentariste militant (il s’était déjà distingué en co-produisant Prud’hommes, docu remarqué sorti en 2011), Fernand Melgar a tourné La Forteresse en réaction aux résultats au référendum national du 24 septembre 2006 : la majorité de la population suisse avait dit "oui" à un durcissement des lois en matière d’asile et d’accueil de l’étranger. Dans un pays où l’extrême-droite ne cesse de progresser, où les notions d’asile politique et d’extradition ont été longuement commentées à la faveur de l’actualité récente (l’affaire Polanski notamment), le cinéaste s’est emparé de sa caméra pour infiltrer un lieu "hautement stratégique" et essayer de comprendre les logiques bureaucratiques présidant à une politique migratoire cadenassée, où les demandes d’asile restent souvent lettre morte. En résulte un documentaire au parfum d’inédit et de subversion, peu apprécié par les politiciens suisses (Widmer-Schlumpf, Conseillère fédérale du pays, ira jusqu’à regretter de lui avoir laissé les mains libres).
Tourné en soixante jours, entre 2007 et 2008, La Forteresse a glané le prestigieux Léopard d’Or au festival international du film de Locarno, dans la compétition "Cinéastes au présent" (récompensant les premières ou deuxièmes oeuvres de jeunes cinéastes). Il a également été présenté à de nombreux autres festivals à travers le monde : Florence, Montréal, Téhéran... Ce cri de rage aux premières images puissantes (bande-annonce ci-dessous) n’est pas sans rappeler une nouvelle vague contestataire qui a également touché la France (l’humaniste Welcome) et la Belgique (l’enragé Illégal). Envisagé comme le prolongement de son travail, presque une "suite" à La Forteresse, le dernier film de Melgar s’intéresse à l’expulsion et au retour au pays des demandeurs d’asile dont la requête a échoué. Tourné en 2011, intitulé Vol spécial, il sort le même jour (28 mars) dans les salles françaises.