Le 19 février 2019
Robert Parrish signe un film de guerre aussi décalé qu’admirable.
- Réalisateur : Robert Parrish
- Acteurs : Gregory Peck , Maurice Denham, Brenda de Banzie, Bernard Lee, Win Min Than
- Genre : Aventures, Film de guerre
- Nationalité : Américain, Britannique
- Distributeur : MGM / UA France
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h40mn
- Box-office : 1 168 403 entrées France / 183 670 entrées P.P.
- Titre original : The Purple plain
- Date de sortie : 4 mars 1955
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– Année de production : 1954
Résumé : Pendant la Seconde Guerre mondiale, un pilote anglais, qui vient de perdre sa femme dans le bombardement de Londres, doit transporter un officier. Mais, leur avion se crashe dans la jungle birmane, en territoire japonais.
Notre avis : Robert Parrish est aujourd’hui un peu oublié, peut-être en partie parce que sa carrière s’est cantonnée dans les marges du cinéma dominant ; et pourtant, que ce soit Dans la gueule du loup, L’aventurier du Rio Grande ou Danger planète inconnue, ses œuvres méritent mieux qu’un regard distrait. Preuve en est cette Flamme pourpre, vrai-faux film de guerre, qui bénéficie d’un impeccable scénario d’Eric Ambler et d’une mise en scène éclatante dont le début donne une idée : Forrester est réveillé en pleine nuit par un bombardement, il court jusqu’à un avion pour se battre, mais un soldat le gifle ; fin du bombardement, ce n’était qu’une hallucination consécutive à un traumatisme qu’on comprendra plus tard. Cette séquence initiale n’est pas qu’une magistrale entrée en matière, elle annonce des motifs (le sommeil et le réveil, le bombardement, le goût du gros plan, l’absence de l’ennemi – on ne verra aucun Japonais) qui s’épanouiront par la suite en un réseau subtil d’échos et de variations. On découvre ensuite le manque d’estime dans lequel les soldats tiennent Forrester, pilote considéré comme fou et à tout le moins suicidaire : pour le montrer, Parrish sacrifie à une bataille aérienne (une seule) dans laquelle le protagoniste se conduit en héros au prix d’une désobéissance. De ce combat très bref on n’a que le point de vue depuis l’avion, rien n’indique qu’au sol il y ait eu des humains. C’est que la guerre n’intéresse pas le cinéaste : Forrester se bat moins contre un ennemi que contre ses démons intérieurs, révélés par un flash-back parfaitement maîtrisé. On y voit un autre bombardement, bien réel, au cours duquel il a perdu sa femme.
En quelques minutes, le film installe un personnage et ses failles qui font que les autorités veulent se débarrasser de lui, et c’est l’intervention d’un médecin sensible qui va changer le cours des choses. Forrester, qui passe son temps à s’endormir, est convié dans un dispensaire où la fatigue le vainc. À son réveil, il a une manière de vision : une jeune birmane (car, il faut le préciser, La flamme pourpre se passe en Birmanie) apparaît devant lui, comme un rêve, parée d’une aura lumineuse. Interprétée par la diaphane Win Min Than, dont ce sera le seul film, elle symbolise une seconde chance, et, pour tout dire, devient la raison de vivre de Forrester. Parrish lui réserve des plans délicats qui la transforment en un idéal onirique, et il la lie au sommeil : elle réveille Forrester alors que lui, à la fin, s’endormira auprès d’elle. Cette dernière séquence, très belle, rejoint aussi le début pour souligner l’évolution : sommeil agité contre sommeil apaisé.
La seconde partie de ce métrage semble a priori totalement différente puisqu’il s’agit d’une sorte de « survival » dans lequel Forrester et deux compagnons s’écrasent dans la forêt birmane et doivent la traverser pour se sauver. Différente, mais tout aussi maîtrisée, elle est en fait le pendant de la première : à la pulsion de mort qui le menait dans des entreprises suicidaires succède la pulsion de vie qui le pousse, malgré le défaitisme des deux autres, à ne pas abandonner, à lutter pour rejoindre Anna. Haletant et pourtant quasiment serein, ce parcours s’affirme comme un trajet physique autant que mental, celui qui doit permettre de mourir symboliquement pour renaître dans une autre existence.
Parrish excelle dans les détails : la sueur, le crissement d’une plume, les coups de soleil du médecin et tant d’autres détails presque imperceptibles donnent chair à cette histoire presque abstraite. Mais il réussit également à imposer un ton très doux, sans doute parce qu’il laisse une chance à tous ses personnages. On a beau chercher, il n’y a pas de méchant dans La flamme pourpre : même McNab, la responsable du dispensaire, si elle apparaît un peu ridicule lorsqu’elle chante en s’accompagnant à l’harmonium, est une femme d’une grande bonté et d’un héroïsme modeste. Quant à Blore, le compagnon d’infortune de Forrester, malgré son comportement absurde, il est davantage vu comme « un crétin » que comme un être malfaisant : il ne met d’ailleurs en danger que lui-même.
Émouvant, sobre, délicat, La flamme pourpre mérite d’être mieux connu. Il témoigne d’un indéniable savoir-faire et se situe à part dans la longue liste des films de guerre : on n’y verra ni patriotisme ni furie sanguinaire, ni même (ou quasiment) de combat, mais l’itinéraire bouleversant d’un homme confronté à une souffrance extrême et qui la dépasse. Seul bémol, et en cela nous nous écartons de Patrick Brion qui ne cesse de vanter son talent : Gregory Peck nous semble parfois trop raide (voir en particulier la première séquence). C’est peu par rapport au charme de cette œuvre insolite et belle.
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