Le 15 mars 2014
- Réalisateur : Julie Bertuccelli
- Date de sortie : 12 mars 2014
- Plus d'informations : Le site officiel La Cour de Babel
Rencontre chaleureuse avec Julie Bertuccelli dans un café du onzième arrondissement de Paris. La cinéaste a réalisé La cour de Babel, un beau documentaire sur une classe d’accueil pour élèves étrangers, implantée au collège La Grange-aux-Belles (Paris 10e).
Rencontre chaleureuse avec Julie Bertuccelli dans un café du onzième arrondissement de Paris. La cinéaste a réalisé La cour de Babel, un beau documentaire sur une classe d’accueil pour élèves étrangers, implantée au collège La Grange-aux-Belles (Paris 10e). Sortie le 12 mars 2014.
La Cour de Babel - La critique du film
aVoir-aLire : Comment ce documentaire La cour de Babel s’inscrit-il dans votre parcours professionnel ?
Julie Bertuccelli : Après avoir été assistante à la réalisation, j’ai démarré ma carrière de réalisatrice il y a une vingtaine d’années. J’ai réalisé une quinzaine de documentaires pour Arte, France 3 et France 5, avant d’aborder des longs-métrages de fiction. D’abord Otar est parti en 2003, puis L’Arbre en 2010 avec Charlotte Gainsbourg. J’essaye maintenant d’alterner fictions et documentaires. Je prépare actuellement un troisième long-métrage. Pour La cour de Babel , tout est parti d’un coup de cœur.
C’est-à-dire ?
Cela s’est passé en juin 2011 dans le cadre d’un festival de films scolaires où j’étais jurée. J’ai rencontré là Brigitte Cervoni et ses élèves de classe d’accueil de l’année 2010-2011. Des adolescents venus des quatre coins du monde avec leurs visages, leurs accents chacun différents et une énergie hors du commun. C’était très émouvant.
Donc vous avez décidé, à ce moment là, de tourner ce documentaire…
Pas tout de suite. J’ai souhaité auparavant voir ce qui se passait effectivement dans une classe d’accueil et tourner par la suite éventuellement un film. J’avais d’ailleurs plutôt prévu de faire des repérages en 2011-2012 et de tourner un an plus tard. Je souhaitais également aller dans plusieurs classes d’accueil. Cela s’est passé tout à fait autrement. Dès que je suis arrivée dans la classe de Brigitte Cervoni, j’ai eu un coup de foudre pour sa classe et les élèves. Et je n’ai finalement pas voulu attendre ! J’ai senti qu’il y avait comme une urgence à réaliser ce documentaire. J’ai donc appelé ma productrice, Yaël Fogiel, des Films du Poisson, et l’ai invitée à venir dans la classe d’accueil. Elle a été immédiatement séduite et m’a dit : « on fonce ». C’était risqué et courageux.
Pourquoi risqué ?
Parce qu’en présentant le projet à Arte, France 3, France 5 et à des distributeurs, personne n’en voulait. On a donc tourné à deux, moi à l’image et un collègue au son, pendant un an, à raison de deux à trois fois par semaine, tout en attendant des soutiens financiers. Ensuite bien sûr j’ai assuré la finalisation du film avec une monteuse. Donc La cour de Babel a été réalisée avec une équipe des plus réduites. Heureusement qu’Arte et le distributeur Pyramide nous ont rejoints en cours de montage.
La classe n’a-t-elle pas été perturbée par autant de temps de tournage ?
Je ne pense pas. Bien sûr, au début deux ou trois élèves un peu cabotins ont essayé de jouer avec la caméra. Mais cela n’a pas duré. Ils ont vite oublié notre présence. Il faut dire que Brigitte Cervoni est une prof incroyable avec une pédagogie géniale, comme vous pouvez le voir dans le documentaire. Les élèves étaient passionnés par ses cours. L’ingénieur du son et moi-même faisions en fait partie du paysage de la classe…
N’est-ce pas un peu frustrant de ne voir ces élèves que dans le microcosme de la classe ? On peut quand même être intéressé de savoir comment ils se sont intégrés dans le collège et à l’extérieur...
Les élèves parlent de leurs relations avec les autres élèves du collège dans le film. Ils disent qu’ils ont été plutôt mal perçus en début d’année. Lors des différentes projections en avant-première que je fais actuellement un peu partout en France, c’est effectivement une remarque et une critique qu’on me fait souvent. Je continue à penser qu’en restant dans le huis clos de la classe on ouvre en fait davantage... Et puis nous savons qu’ils se sont intégrés : ils sont allés, sans problèmes, l’année suivante dans des classes dites « banales ».
Mais pourquoi ne pas avoir montré les élèves dans d’autres cours que ceux de Brigitte Cervoni, et dans d’autres situations concernant directement la classe ?
Nous avons filmé dans d’autres cours. De même que les conseils de classe. Au montage on s’est aperçu que ces séquences n’apportaient pas grand-chose. Les élèves se comportaient un peu comme les élèves des autres classes, en cours de mathématiques par exemple. Il y avait par ailleurs un risque de redondance. De même on n’a pas voulu les filmer dans leur foyer familial. Nous n’avons filmé les parents que dans la salle de classe, lorsque Brigitte Cervoni les recevait avec leurs enfants.
Pensez-vous avoir fait œuvre utile avec La cour de Babel ?
En tout cas, c’est un film que j’ai envie de partager. Personnellement, j’ai vécu avec eux une aventure humaine extraordinaire. J’ai été témoin d’une pédagogie absolument extraordinaire. Et je pense d’ailleurs que ce serait sans doute bien que cette pédagogie fasse école dans les autres classes...
Je ne connaissais pas ce dispositif des classes d’accueil en France. C’est quand même une chose géniale ! Il faut que ce dispositif demeure et soit surtout amplifié. La jeune Libyenne, Maryam, que nous voyons au début du film, a été amenée à partir à Verdun, où il n’existe pas de classe d’accueil. Elle est dans une classe "normale" et l’institution a heureusement organisé pour elle des cours de soutien, mais ce n’est pas la même chose.
Ce dispositif permet à tout jeune étranger débarquant en France d’apprendre le français, de réussir sa scolarité et surtout de favoriser son intégration en France. Je ne pense pas qu’on puisse rester insensible à ce que l’on voit dans ce film. Il fera, j’espère, résonner les débats actuels, souvent nauséabonds. J’espère qu’il pourra aider à inverser les « a priori », contrecarrer les préjugés, faire réfléchir plus intimement, donner de l’empathie à ceux qui en manquent, et donner du courage à ceux qui luttent pour le respect et l’accueil.
Avez-vous maintenu le contact avec les « héros » du film ?
Bien sûr, même avec ceux repartis dans leur pays. Ils ont tous gardé un souvenir inoubliable de leur passage en classe d’accueil avec Brigitte Cervoni et restent en contact entre eux. Ils réussissent tous très bien dans leurs études. On va d’ailleurs les revoir lors de la sortie du film. La jeune guinéenne, Djenabou, fera même le voyage d’Arabie Saoudite où elle réside actuellement. J’ai vu Maryam, comme je le disais à Verdun, lors d’une projection en avant-première. Ces héros de la vie d’aujourd’hui sont une richesse pour notre pays.
La critique de La Cour de Babel
Propos recueillis le 24 février 2014
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