Aux échecs, les blancs gagnent toujours. Enfin, en théorie…
Le 13 mai 2020
Reprenant les mécaniques narratives des précédentes parties, le surréalisme du casse et de ses méthodes, la partie 3 de cette série vitrine de Netflix répond à son unique objectif : du bon gros divertissement bien badass, qui se regarde en mode régressif.
- Série : La casa de Papel
- Réalisateurs : Jesús Colmenar - Koldo Serra - Álex Rodrigo
- Acteurs : Itziar Ituno, Álvaro Morte, Pedro Alonso, Úrsula Corberó, Alba Flores, Miguel Herrán, Esther Acebo, Darko Peric
- Nationalité : Espagnol
- Durée : 8 épisodes de 41 à 57 minutes.
- VOD : NETFLIX
- Date de sortie : 19 juillet 2019
- Plus d'informations : La casa de papel
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Résumé : Le Professeur et son équipe se retrouvent pour libérer Rio et élaborer un nouveau plan aussi audacieux que dangereux pour un nouveau casse encore plus délirant.
Critique : En mathématiques, on dit qu’un jeu est équitable lorsque sa règle est identique pour tous les joueurs. La roulette n’est pas équitable : lorsque le zéro sort, toutes les mises sont ramassées par le casino qui a un avantage. Les échecs sont un jeu équitable et, en théorie, les blancs qui entament la partie doivent gagner. C’est pour ça que les champions ont un tas de coups d’avance en tête pour balayer toutes les éventualités. Le premier « concept » de Casa de Papel, c’est précisément celui de la partie d’échecs, comme le répète à l’envi son personnage principal, le pénible et attachant « Professeur ».
François Pignon, aves tes allumettes, tu peux aller te rhabiller… »
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Les films de casse suivent grosso modo la même recette : un cerveau constitue une équipe où chacun a son rôle, dans un plan parfaitement bien huilé. Bien entendu, cela ne se passe pas comme prévu ou, plus vicieux, en fait ce n’était pas le casse que le spectateur a cru voir. L’autre ingrédient est l’empêcheur de casser en rond, souvent un flic aussi malin que le cerveau. Sans oublier la mèche de 12 qui, en touchant la porte du coffre, déclenche l’alarme, alors que sur le plan il n’y avait pas ce p… de détecteur, nom d’une perceuse ! Enfin, et c’est le côté jubilatoire de ces entreprises, on y braque des lieux à côté desquels Fort Knox, c’est la maison des trois petits cochons. Les Ocean’s de Steven Soderbergh ont ouvert le bal en volant 150 patates de recettes de trois casinos à Las Vegas, avec du matériel digne de la NASA (oui, ce sont les 50 ans des premiers pas sur la Lune).
- Pas grave Baby, j’envoie un garçon avec l’hélicoptère… »
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D’où le second « concept » qui a probablement dû traverser la tête d’Álex Pina, le créateur de Casa de Papel : faire le « méta-truc » du genre, bien tordu et long, donc une série. Comme c’est « méta », autant choisir une cible surréaliste, à l’image des masques de Dali portés par les braqueurs. Pour les parties 1 et 2, cela sera la Fabrique nationale de la monnaie et du timbre à Madrid. Bah vi, pourquoi se fatiguer à braquer trois casinos pour quelques sacs de billets, alors qu’on peut les imprimer, pépouze en quelques jours, allez, on va dire un milliard d’euros ? Dany Ocean, comment on t’a cassé !
Série d’origine espagnole (Antena 3) Casa de Papel a été diffusée mondialement par Netflix en 2017 et 2018, en deux parties (24 épisodes), avec le succès que tout le monde connaît. Sentant une autre poule aux œufs d’or à capturer et ajouter dans sa ferme, à côté de Stranger Things, Netflix a sorti le carnet de chèques pour produire une suite.
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On soulignera un effort d’écriture pour cette troisième partie, puisque qu’elle peut être regardée par une personne n’ayant pas vu les précédentes, à deux ou trois références près qui lui échapperont, mais sans gravité, et surtout elle ne verra pas que ces huit premiers* épisodes reprennent à l’identique la recette (un peu trop, on pense aux décors, mais on avoue avoir eu la paresse de vérifier les vrais lieux). En revanche, pour les fans, la tambouille est servie au pas de charge. Après un premier épisode d’exposition, dont certains passages sont assez poussifs et niais, on plonge direct dans l’action avec la même marque de fabrique narrative, à coups de flash-back. Par coups, comprendre qu’à chaque situation critique, les auteurs balancent une analepse du séminaire de préparation au casse, pile au moment où le Professeur explique que ladite situation arrivera forcément et qu’en conséquence, il faudra jouer tel coup. Démarre alors un suspense dans le suspense : le coup prévu par le Professeur va-t-il marcher ou pas ? Et s’il ne marche pas ? Pas grave, re-flash-back, c’était prévu dans le prévu. Ou pas. Casa de Papel étant une partie d’échecs, forcément ça se répète. Les blancs, qui ont commencé, sont le Professeur et son équipe, et les noirs sont les flics, services secrets et militaires, et chacun joue à tour de rôle. Et comme dans une vraie partie d’échecs, des moments sont moyennement palpitants et d’autres plus tendus avec prises ou mise en échec d’un roi, mais pas forcément échec et mat.
- Si tu entres c’est prévu, si tu n’entres pas, c’est également prévu…
- (pétard, mais rien ne l’arrête ??) »
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Le Professeur et son équipe étant finalement conduits à rejouer une partie (Netflix ne titre pas « saison », mais « partie »), après avoir braqué un milliard d’euros, quelle va être leur cible, qui ne peut être qu’un échiquier encore plus surréaliste (ils vont ressortir leurs masques de Dali devenus des icônes populaires), sur lequel ils vont déplacer pions, cavaliers, fous, tours, dames et rois ? On ne le vous dira pas, mais assez pour donner à ce début de nouvelle partie une dimension plus « politique », avec des sermons anti-système, certes à gros sabots, et quelques allusions aux fantômes franquistes.
En fait, il est vain de prendre au premier degré Casa de Papel (ni au deuxième et encore moins au troisième), de l’intellectualiser au-delà du simple et pur divertissement. Autant chercher de savantes analyses géopolitiques dans un Mission impossible, pendant qu’Ethan Hunt s’agrippe à un bombardier décollant, alors que ses chances de survie sont exactement égales à zéro. Sauf que c’est Tom Cruise et du cinéma. Dans Casa de Papel, Ethan Hunt s’appelle Le Professeur et c’est Álvaro Morte, tout aussi physique que Cruise (micro-spoiler précédentes parties), qui s’y colle en psychorigide, avec tic pénible de remontage de lunettes sur le nez (tout le pognon qu’il a et même pas foutu d’aller chez un bon opticien, on rêve ?) et sévère manie d’avoir réponse à tout. Or, n’est-ce pas le propre du héros au sens le plus populaire, d’avoir une solution, surtout dans les pires situations ? C’est ainsi depuis que le cinéma de divertissement existe, soit plus de 120 ans, et il est donc inutile de lutter.
- Oh, oh, t’es pas dans Reservoir Dogs… »
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Casa de Papel, c’est juste du concentré de twists, de cliffhangers, de personnages taillés à la tronçonneuse et fignolés à l’Opinel N°12, de tout ce que les films de casses recyclent en boucle depuis plus d’un demi-siècle, genre les membres du gang qui ignorent leurs identités et passés mutuels et s’appellent par des noms de villes, au lieu de couleurs comme dans Reversoir Dogs (1992) de Tarantino, lui-même inspiré de L’ultime Razzia (1956) de Kubrick, où les braqueurs portaient déjà un même curieux masque, avec des moyens hollywoodiens à la sauce européenne. C’est tout à la fois épuisant, débile, hystérique et génial en même temps, et cela se mange comme une boîte de chocolats, en alternant les blancs et les noirs, bref un plaisir totalement régressif. Alors, pourquoi se priver de s’amuser deux ou trois soirées et ensuite passer à autre chose, du plus « intello », si cela vous chante, selon vos envies et goûts ? Histoire de patienter pour la partie 4, parce qu’avec ce p… de cliffhanger de sa race à la fin, ça va être pénible d’attendre !
- Tokyo, s’il te plait, ferme-la ! » »
- spip-slider
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(*) Netflix nous refait le coup de 2017/18, donc probablement partie 4 d’ici fin 2019. D’après nos informations, elle est déjà tournée, ce qui tombe a priori sous le sens, on n’en dira pas plus.
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