L’Odyssée d’Hakim. T.1 - La chronique BD

Une histoire vraie, un destin parmi tant d’autres voilà ce que recherchait l’auteur au moment d’écrire. Partager, sans chercher à bouleverser, converser pour ressentir, raconter pour exister, l’enjeu philosophique serait presque plus important que le sujet éminemment politique, social voire historique. Hakim est plus qu’un sujet, c’est un homme, qui vit désormais en France avec femme et enfants, cette dernière rencontrée en exil, ces derniers nés loin de la terre de Syrie. Son voyage a été long, pas semé d’embûches au sens des péripéties d’un récit de fiction, mais plutôt les aléas du quotidien, de l’ennui loin de chez soi, hébergé par des connaissances, au manque continuel d’argent, en dépit de petits boulots par des exploitants. Mais avant cela, ce premier tome se concentre surtout sur le basculement du pays dans la guerre civile, en prenant comme point de départ 2013. L’ambiance dictatoriale qui est globalement autant acceptée que subie, et qui va vaciller avec la répression des manifestations du printemps arabe, jusqu’à l’emprisonnement et la torture sans sommation ni justification, et la vie avec une épée de Damoclès tangible au-dessus de la tête... Voilà tout ce qui pousse un jeune Syrien éduqué, avec une belle situation, à fuir son pays et les siens, sans nouvelles de son frère enlevé, condamné à abandonner des parents qui ne peuvent pas partir. En vérité, une leçon de vie autant que de volonté et de modestie.

© Delcourt

Le thème, mais aussi le dessin, feront penser au célèbre Arabe du futur. Le ton comique propre à Sattouf est cependant absent, Toulmé optant lui pour une neutralité et une objectivité louables, d’où la prépondérance d’Hakim, second narrateur qui va finalement hériter de l’ensemble du volume. La patte de l’auteur reste donc non pas la narration, mais bien le dessin  : la simplicité des traits, renforcée par les dégradés, semble condamner le récit à un journal morne et sans éclat, mais il n’en est rien. L’Odyssée d’Hakim a une pureté certaine, un côté candide franchement touchant d’autant qu’il n’est pas du tout amené, recherché ou surjoué. L’empathie suscitée est donc bien plus précieuse qu’elle s’est créée seule, en se tissant et en marchant sur une corde fine et franche : une voix et un dessin sans fard.

© Delcourt

Première étape d’un voyage qui s’annonce mouvementé, L’Odyssée d’Hakim part d’un sujet d’actualité trop politisé, pour le rendre humain et fraternel, individuel et universel, actuel et éternel tout à la fois.