Littérature francophone
Le 3 décembre 2002
Une promenade parisienne remplie de détours et qui éveille la curiosité.
- Auteur : Eric Hazan
- Editeur : Editions du Seuil
- Genre : Roman & fiction
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Dans un livre où se mélangent littérature, urbanisme, luttes populaires et flâneries, Éric Hazan raconte L’invention de Paris. Une promenade remplie de détours et qui éveille la curiosité.
Encore un livre sur Paris ? Oui, mais celui-là ne conte pas moins que L’invention de Paris. Pas celle de Lutèce, non, celle de la ville telle qu’elle s’est faite depuis le XVIIIe siècle. Une histoire qui se dessine par cercles, Éric Hazan rappelant que, "depuis la nuit des temps", Paris a été soumise "à la contrainte de ses enceintes" : "de la muraille de Philippe Auguste au boulevard périphérique, six enceintes se sont succédé en huit siècles".
Ancien chirurgien, Éric Hazan découpe ainsi la cité en chapitres circulaires, des quartiers de "l’Ancien Paris" aux faubourgs, puis aux villages du "Nouveau Paris". Avec une grande précision (les notes foisonnent), il en dissèque le coeur, qui, dans la jeunesse d’Haussmann, "est encore une ville du Moyen Âge". Les choses vont changer avec le Préfet de la Seine. Mais de loin pas pour le meilleur, l’auteur inscrivant explicitement sa démarche contre l’historiographie actuelle. "Par un amalgame qui est bien dans l’esprit du temps, la revalorisation (utile) de l’architecture du XIXe siècle a entraîné celle d’Haussmann au point de minimiser jusqu’à l’absurde ses préoccupations anti-émeutières".
Hazan le rappelle. Si Haussmann a profondément modifié le visage de Paris, il l’a fait avant tout pour se débarrasser des quartiers propices aux émeutes. Ainsi l’aménagement de la place de la République ou celle de l’esplanade pavée de Beaubourg : "il avait soigneusement détruit le lacis de ruelles (...) qui avait servi de scène tragique à presque toutes les insurrections de la première moitié du XIXe siècle."
A cet esprit "dévastateur", l’auteur oppose tous les anonymes qui ont su créer ou préserver l’esprit de la ville, tel qu’il se sent encore au faubourg Saint-Antoine, où un "assemblage unique maintient l’identité populaire et industrieuse de Paris". Le peuple. Lui aussi a inventé Paris : Hazan lui rend un magnifique hommage dans un chapitre intitulé Paris rouge. Des barricades "nocturnes" de 1827 aux "soixante-dix journées solaires de la Commune" s’est constituée un liste de "manifestations, émeutes, coups de main, soulèvements, insurrections" si longue "qu’aucune autre capitale ne peut en revendiquer de semblable". Une force qu’Hazan n’espère pas perdue : si Paris semble aujourd’hui endormie, il ne faut pas oublier que "le temps des opprimés est par nature discontinu".
Mais l’invention de Paris, c’est aussi aux flâneurs-écrivains qu’on la doit : Rousseau, Restif, Nerval, Balzac, Hugo, Baudelaire, ... Et si Hazan leur consacre un chapitre, il remplit surtout son livre de citations qui font de cet essai une véritable oeuvre littéraire. Les peintres (Degas, Manet) et les photographes (Nadar, Doisneau) ne sont pas oubliés. Ils ont eux aussi fait de Paris ce qu’elle est. Et ce qu’elle sera.
Car "voici qu’après trente ans de torpeur, trente ans pendant lesquels son centre a été rénové-muséifié et sa périphérie ravagée en silence, Paris s’efforce de s’éveiller." La "terrible" enceinte actuelle attend, comme les autres, de disparaître et la ville s’étend au nord-est "vers ce qui est déjà le XXIe arrondissement". Paris s’invente encore. D’autres histoires restent à écrire, d’autres flâneries à faire. Tant mieux. Comme le murmure le sous-titre inspiré d’André Breton, "il n’y a pas de pas perdus".
Eric Hazan, L’invention de Paris, Seuil, 2002, 461 pages, 23 €
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