Le 21 janvier 2023


Une adaptation impeccable d’Edogawa Rampo
Résumé : Hirosuke est un étudiant pauvre et un écrivain raté, influencé par Edgard Poe et dont l’horizon semble bouché. Alors, lorsqu’il apprend la mort d’un riche magnat qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, il décide de tenter sa chance pour réaliser son rêve...
Critique : Le transfert d’imagination, l’intertextualité, la connivence littéraire sont des phénomènes presque magiques. C’est le trajet effectué par une idée de Poe, qui s’est retrouvée dans le roman de Rampo, est finalement illustrée par Maruo, qui ne peut s’empêcher de glisser un portrait de l’auteur américain. Il y a un peu de fantastique dans ce manga, qui cependant ne peut s’empêcher d’y mettre de la logique, architecturale et technique, pour expliquer les merveilles de cette île mystérieuse, Jardin d’Éden dédié aux plaisirs, paroxysme d’une débauche de l’argent qui rencontre l’utopie. Rattrapé par son passé, en proie à un angoisse qui le fait tout suspecter, en particulier la femme de l’homme qu’il a remplacé, le héros est partagé entre folie furieuse et froide lucidité, le rendant pourtant humain, même lorsqu’il s’arrache une dent pour la remplacer par celle dorée de son double, sacrifice nécessaire à l’imposture. Le livre se lit vite, trop vite peut-être, tant on est comme aspiré par cette stratégie, puis par ces travaux titanesques, et lorsque vient la découverte du paradis, on ne retient finalement que l’île des morts, ce tableau de la Renaissance qui emprisonne l’âme du héros et de son œuvre.
© Casterman / Maruo
À l’image de ce tableau final, l’album se compose comme une galerie de portraits et de scènes qui vont au-delà de simples cases, puisqu’on sent que Maruo porte une attention toute particulière à chaque planche. On pourrait s’attarder sur les différents espaces, sous-marins ou plaines verdoyantes, qui composent l’île panorama. Avant les danseuses aux charmes vrais et à la nudité obligatoire, il y a des moments où l’âme se flétrit à travers le dessin d’un visage, une femme qui doute et des notables qui ont de faux sourires.
© Casterman / Maruo
D’un érotisme léger mais d’une finesse extrême, L’Île Panorama impose le style de Maruo qui livre une adaptation élégante et brillante, prouvant que le partage des cultures est un bonheur pour tous les lecteurs du monde.
280 pages – 20 €