L’adieu à Wallander
Le 21 février 2005
Parfaitement emblématique de la série, l’ultime enquête du commissaire Wallander nous plonge dans un monde qu’on souhaiterait autre mais qui est pourtant le nôtre.
- Auteur : Henning Mankell
- Editeur : Editions du Seuil
- Genre : Polar, Roman & fiction
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Dans l’ordre où la série des enquêtes du commissaire Wallander a été publiée en Suède (entre 1993 et 2001) [1], L’homme qui souriait est le quatrième volume. Pour nous, qui avons découvert les romans d’Henning Mankell dans le désordre, il s’agira du dernier. Kurt Wallander a jeté l’éponge après La muraille invisible et n’apparaîtra plus que comme comparse, en tant que conseiller de sa fille Linda, qui prend la relève [2].
Deux cas de figure. Ou vous avez lu tout Mankell et vous ne manquerez pas de vous précipiter sur cet ultime Wallander. Ou vous n’en avez jamais entendu parler, auquel cas nous ne pouvons que vous suggérer de commencer par le premier et de finir avec le huitième volume. Ceci vous évitera de vous mélanger les pinceaux entre les différents événements qui ont émaillé la vie privée assez misérable du flic suédois, qui s’enfonce dans la déprime à mesure que la société de son pays s’effrite autour de lui.
Wallander n’est pas un flic prestigieux, juste un bon enquêteur qui refuse de lâcher le morceau. Il boit trop, il est mal dans sa peau, il ne sait pas y faire avec les autres. Comme le dit son créateur, ce n’est pas le genre de gars dont on se sent proche et dont on aurait envie de se faire un ami. Il est attachant cependant avec son blues omniprésent, à l’image de cette Scanie, plat et tristounet pays de bord de mer où se déroulent ses aventures, racontées sur un ton volontairement sans apprêt - Mankell est ennemi des fioritures. Et sur un modèle qu’on pourrait dire unique : dès le début, le lecteur en sait assez pour deviner qui est le meurtrier. Il suivra ensuite le commissaire pas à pas, heure par heure, jusqu’au dénouement souvent invraisemblable - en particulier dans cet Homme qui souriait.
Mais peu importe. Ce qui vous accroche chez Mankell, c’est sa peinture de la société suédoise, un modèle envié de par le monde et qui va à vau-l’eau sous les coups de boutoir d’un capitalisme triomphaliste en pleine résurrection, avec ses corollaires bien connus : violence, racisme, inégalités. A cet égard, l’homme souriant que Wallander rencontre dans son manoir, magnat dont les affaires ont des ramifications dans le monde entier, intouchable protégé par sa fortune, est un exemple saisissant des dérives du monde actuel. Et même si, comme le veut le genre, l’affaire est finalement élucidée et le commanditaire des deux meurtres qui ont ouvert le roman dûment arrêté, Wallander, comme nous, sait qu’il ne s’agit que d’une péripétie minuscule. Que l’énergie qu’il a déployée pour convaincre son équipe et ses supérieurs, les dangers qu’il a encourus pendant l’enquête, peuvent être remisés aux rayon des oubliettes. Il a fait son devoir mais le monde ne changera pas d’un iota. Gagner pour Wallander, c’est exactement la même chose que perdre. Pas réjouissant, mais tellement plus authentique.
Henning Mankell, L’homme qui souriait (Mannen som log, traduit du suédois par Anna Gibson), Seuil, coll. "Policiers", 2005, 362 pages, 21 €
[1] 1. Meurtrier sans visage 2. Les chiens de Riga 3. La lionne blanche 4. L’homme qui souriait 5. Le guerrier solitaire 6. La cinquième femme 7. Les morts de la Saint-Jean 8. La muraille invisible. Tous les titres, sauf L’homme qui souriait, sont disponibles en Points Seuil
[2] Sa première enquête, Après le dégel, est en cours de traduction et paraîtra dans l’année
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