Le 15 août 2016
Impeccable comédie, illuminée par la performance du grand Laughton.
- Réalisateur : Leo McCarey
- Acteurs : Charles Laughton, Charles Ruggles, Zasu Pitts, Roland Young, Mary Boland
- Genre : Comédie, Romance
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h30mn
- Titre original : Ruggles of Red Gap
- Date de sortie : 12 avril 1935
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Résumé : Marmaduke Ruggles est un majordome très sélect. Son maître serait un parfait gentleman s’il n’avait le vilain défaut de jouer au poker et de parier son majordome. Cette fois, c’est un couple de bourgeois américains qui l’emporte. Ruggles fait une entrée remarquée dans la petite ville de Red Gap.
Notre avis : Délicieuse comédie, à la fois tendre et burlesque, L’extravagant M. Ruggles repose sur une série d’oppositions qui fondent et structurent le film : évidemment, la vieille Europe, avec ses conventions et son snobisme s’oppose à la jeune Amérique égalitaire ; mais on pourrait les multiplier tant c’est la figure dominante : costume à carreaux / costume élégant, repas guindé / beuverie amicale, bonnes et mauvaises manières… Mais ce réseau étroit part de la figure du héros, Ruggles, qui rejoue à lui tout seul l’indépendance des USA : majordome anglais, il est joué et perdu par son maître le Comte, doit partir dans un trou perdu de l’État de Washington, Red Gap (et quel nom symbolique !) où il va conquérir une autonomie à laquelle il ne pensait même pas. Sous des dehors plaisants, voire très drôles, c’est bien de politique qu’il s’agit : à l’égal d’un Capra, sans aucune roublardise, McCarey célèbre la démocratie américaine. À cet égard la fameuse et virtuose scène dans laquelle Ruggles se révèle le seul à pouvoir réciter le discours de Lincoln est un sommet d’émotion, émotion redoublée par le public qui s’amasse pour écouter, et de foi en l’égalité et en la capacité de chacun à réussir, ce que la suite illustrera. Le cinéaste montre ici à la fois une sobriété exemplaire (Ruggles récite pour lui-même avant de déclamer) et une grande élégance (voir le travelling qui accompagne la recherche de « ce qu’a dit Lincoln »).
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Le film n’a rien cependant de démonstratif : il repose d’abord sur un humour très varié, qui va de la caricature (Egbert et ses hurlements à Paris) au raffinement verbal (la recette du thé ou de la sauce), en passant par l’absurde ou le quiproquo ; c’est un véritable feu d’artifice, un arc-en-ciel des comiques qui se joue devant nous, sans vulgarité ni baisse de rythme. Mais tout cela ne serait rien sans l’extraordinaire performance de Charles Laughton, à l’aise dans tous les registres : il faut le voir descendre un escalier avec diligence, s’effondrer sous l’effet de l’alcool ou jeter hors du restaurant l’infâme beau-frère ; tout dans son jeu est millimétré, contrôlé, impeccable. Difficile d’imaginer comédien plus brillant, mais, on le sait aujourd’hui, cette maîtrise s’accompagnait d’un mal-être profond qui le conduira à ne pas aller au bout de rôles suivants (I Claudius de Sternberg sera interrompu par ses doutes et ses scrupules). Pour autant cet admirable interprète ne gâche jamais le travail de ses partenaires : le film est un festival de moments de gloire pour chacun et on se délectera de numéros grandioses ; tous seraient ici à citer, de Roland Young, magistral comte aux embarras successifs, à l’étonnante Zasu Pitts, qui fut l’héroïne des Rapaces de Stroheim, en passant par la truculente Maude Eburne.
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Comme pour toute grande comédie, les scénaristes ont imaginé des détails hilarants qui ajoutent au sel de l’histoire. Ainsi Egbert compte-t-il les verres que boit sa femme avec des allumettes empilées ; dans un numéro grandiose, le comte apprend à ponctuer une chanson par des « boums ». On se rapproche ici de Lubitsch, tant ces séquences humoristiques, souvent très fines, débordent d’humanité ; c’est que McCarey, même s’il distillera plus tard une certaine amertume (voir le poignant Place aux jeunes), place toute sa foi dans des personnages dont très peu sont négatifs. Il ne cesse de croire dans le rêve américain, et dans le bon fond de ces êtres imparfaits, qui peuvent être prétentieux ou guindés, mais sont capables de célébrer en chœur le « good fellow » qu’est Ruggles. Comme chez Lubitsch encore, comme chez Capra, L’extravagant M. Ruggles est une leçon de vie à la fois modeste et profonde, drôle et émouvante. Un grand film.
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