L’espion d’Orient. Johann Ludwig Burckhardt et Pétra, la cité perdue - Danièle Masse, Alexis Vitrebert - la chronique BD

Critique : Comment Danièle Masse a-t-elle pu reconstituer le parcours de cet obscur espion, suisse érudit mais sans ressources, passionné de culture musulmane, linguiste averti et aventurier intrépide, rattrapé encore jeune par la maladie, mort dans l’anonymat ? Les rares lettres et récits qui doivent former sa vie biographique ne l’ont pas empêché de créer une histoire fine, bien menée, incroyablement réaliste et digne d’être adaptée sur grand ou petit écran. Car le sujet est universel : les reliques anciennes, les monuments oubliés et les ruines saisissantes – dont celles éminemment célèbre de Pétra – offrent un décor sublime. En effet, les périples d’espionnage, Médine et La Mecque étant des cités interdites à l’époque, les tractations avec les locaux, les affres du désert et les splendeurs surgies d’époques révolues rythment cette biographie qui ne s’arrête jamais. En dépit des maladies, des rivalités et des retards, Johann Ludwig Burckhardt se révèle être toujours extraordinaire, ses faiblesses le laissant humain évidemment, mais sa persévérance l’élevant au-dessus.

© Delcourt / Vitrebert

Pour entourer, décorer et transcrire ce récit, Alexis Vitrebert a choisi un style presque rétro pour construise un graphisme impeccable, dans une atmosphère rappelant parfois les carnets du voyage de Delacroix en Orient. Ce sont presque des aquarelles qui défilent, pour un souk, un oasis, un refuge de mamelouks, mais aussi les palais des fonctionnaires britanniques, les rues sèches et les chambres miteuses, tout passe au tamis de l’Orient. À l’image du héros qui voit son physique, ainsi que sa philosophie, s’altérer progressivement, le dessin semble s’épaissir, s’épanouir, pour arriver à ce final tragique, qui montre la réalité crue d’un destin hors norme.

© Delcourt / Vitrebert

Splendide biographie d’un homme conquis par l’Orient et avalé par lui, L’espion d’Orient narre le destin de Johann Ludwig Burckhardt, un de ceux qui existèrent dans l’ombre de la grande histoire, mais qui méritent aussi la lumière.