Les ailes brûlées
Le 18 janvier 2011
Dernier film tourné par Guillaume Depardieu, L’Enfance d’Icare postule une science-fiction franco-suisse. Hélas, malgré ses belles dispositions de départ, l’objet s’enlise vite dans un fantastique cheap et abscons.
- Réalisateur : Alex Iordachescu
- Acteurs : Guillaume Depardieu, Alysson Paradis, Carlo Brandt, Madalina Constantin, Patricia Bopp
- Genre : Science-fiction, Thriller
- Nationalité : Français, Suisse, Roumain
- Date de sortie : 19 janvier 2011
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– Durée : 1h36
Dernier film tourné par Guillaume Depardieu, L’Enfance d’Icare postule une science-fiction franco-suisse. Hélas, malgré ses belles dispositions de départ, l’objet s’enlise vite dans un fantastique cheap et abscons.
L’argument : Suite à un accident, Jonathan Vogel a perdu une jambe. Le professeur Karr lui propose de se soumettre à un traitement révolutionnaire qui va changer sa vie. Mais ce rêve fou se transforme en cauchemar et Vogel devient la victime d’une erreur médicale.
Notre avis : Premier long-métrage d’un jeune cinéaste d’origine roumaine, L’Enfance d’Icare devait s’inscrire dans un diptyque ambitieux, questionnant les rapports entre la Science et la Vie et leurs conséquences sur l’humain. La dimension métaphysique du projet apparaît dès les premières secondes du film, redoublée par la mise en abyme que le film entretient, entre réalité et fiction : le protagoniste, Jonathan, est incapable de se reconstruire après la perte de sa jambe, traumatisme physique et moral, et se lance à corps perdu dans un projet expérimental de greffe de cellules, auprès d’un scientifique-gourou.
Bien évidemment, le récit alimente des échos troublants avec les déboires de son interprète principal, Guillaume Depardieu, qui apporte ici bien plus que son (grand) talent d’acteur : à un tel niveau d’identification, ce sont carrément ses tripes que l’acteur nous expose au grand jour, tant et si bien que L’Enfance d’Icare s’apparente souvent à un exercice d’auto-analyse visant à exorciser de multiples démons. Bouffé de tics, les fêlures à vif, Depardieu prouve à nouveau toute l’intensité de comédien dont il était capable, et que sa mort, il y a près de deux ans maintenant, a décuplée dans nos souvenirs et nos regrets. Heureusement, le film n’a pas que son double-fond biographique (parfois gênant) à offrir, mais foule les terres peu (ou mal) explorées d’un fantastique francophone à tendance philosophique. Et à vrai dire, en début de métrage, Alex Iordachescu fait preuve d’un sens de la mise en scène qui fait plaisir à voir, travaillant cadres et décors, bâtissant un début d’atmosphère. Si le fond n’est pas des plus engageants (une sorte de fiction alarmiste sur les dérives du clonage et du Scientifique-Dieu, qu’on croirait exhumée avec quinze ans de retard), la forme, elle, est plutôt convaincante. Du moins au début.
Le film s’engage ensuite sur des terrains plus incertains et, paradoxalement, plus balisés. Tandis que Jonathan-Depardieu est placé dans un centre de recherches (forcément) isolé où les opérations ne se passent (évidemment) pas comme prévues, son cerveau se détraque sous le coup de diverses expérimentations, bientôt perdu (et le spectateur avec) entre souvenirs, hallucinations et réalité. L’Enfance d’Icare se mue alors en étrange huis-clos, à mi-chemin entre l’horrifique pur et le délire schizoïde, traversé de quelques visions surprenantes (les plantes phosphorescentes dans la nuit) mais aussi de fulgurances métaphysiques hasardeuses, lorgnant dangereusement vers le monologue mièvre. Les personnages, inégalement interprétés, deviennent alors les caricatures d’eux-mêmes ; à commencer par Carlo Brandt, pourtant convaincant a priori en homme de science dépassé par sa créature et ses ambitions, très bon comédien repéré par ailleurs en taulard dans Les Mains libres, ou en mage noir dans la série Kaamelott.
Dans son décor froid, clinique, l’intrigue devient non-intrigue et tourne rapidement en rond, soumis aux aléas psychologiques de son personnage (qui ne sont jamais totalement creusés, réduits à un unique stigmate de souffrance). S’il ne manque pas de grandes intentions, Alex Iordachescu n’a visiblement pas assez de moyens ni assez d’idées pour les mener à bien, et ainsi pour tenir la distance : la petite heure trente de métrage aura tôt fait de se transformer en interminable calvaire, pour les spectateurs les moins patients. Après tout, pourquoi pas, L’Enfance d’Icare eût pu trouver son style dans ces nébuleuses et suivre courageusement les traces d’un David Lynch, mais c’est plutôt du côté d’Houellebecq qu’il faudra ranger ce coup d’essai - le Houellebecq cinéaste, entendons-nous bien, celui à l’origine du bide La Possibilité d’une île, sa phobie du clonage, ses excroissances cheap. On souhaite à Alex Iordachescu de meilleures références pour la suite de sa carrière, qui s’annonce audacieuse, bien qu’il ait déjà trouvé en Guillaume Depardieu un violon d’une rare qualité. Un violon dont il aurait fallu, sans doute, un peu moins abuser.
La bande-annonce : ICI
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