Le 4 septembre 2022
Dense, foisonnant, ce roman condense la société américaine et s’intéresse surtout à l’individualité de chacun, intimement liée à ce qui le relie à l’espèce humaine en général – perception, langage, comportement, inclusion et exclusion.
- Auteur : Ben Lerner
- Editeur : Christian Bourgois
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Jakuta Alikavazovic
- Date de sortie : 1er septembre 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
L'a lu
Veut le lire
Résumé : Le père est psychologue, la mère écrivaine féministe à succès, le fils champion de l’équipe de débat au lycée : en apparence, les Gordon sont l’incarnation de la classe moyenne américaine blanche, aisée et progressiste. Mais en cette fin des années 1990, les façades proprettes de Topeka, au Kansas, commencent à se lézarder sous la montée insidieuse d’une violence qui révélera bientôt son vrai visage, celui d’une nation déboussolée, rongée par les frustrations, prête à se jeter dans les bras du conservatisme le plus revanchard.
Critique : Ben Lerner met en scène une ville, Topeka, de l’état du Kansas aux États-Unis. Présentée comme rétrograde, elle n’est que le théâtre presque abstrait des errances des personnages, aux prises avec leur identité, leur humanité. L’auteur s’intéresse en effet à la singularité de chacun et la confronte à l’unicité de notre espèce, s’appuyant sur le langage, caractéristique de l’Homme – à la fois spécificité de chacun et lien au reste de la société. Plusieurs fois, ses protagonistes se voient dédoublés, dans leur corps tout en s’observant d’au-dessus, comme ils regarderaient des jouets dans une maison de poupées – l’auteur s’amuse d’ailleurs avec les pronoms, passant du « il » au « je », cette stratégie étant partiellement éclairée par la mise en abyme qui se devine peu à peu.
Deux adolescents se cherchent. L’un, Darren, est incapable de se trouver et le restera – il est un homme-enfant, guidé par ses instincts –, tandis que l’autre, Adam, est intelligent et lutte contre l’adolescence, les tourments de cet âge se mêlant à ceux qui sont le lot quotidien du jeune homme depuis la commotion cérébrale qu’il a subie, enfant. Deux adultes se cherchent eux aussi, se frottant aux autres, mettant en péril leur couple, aux prises avec leur histoire. Ces derniers, les parents d’Adam, sont psychologues et Ben Lerner semble prendre plaisir à les confronter aux problèmes que ceux qui pourraient être leurs patients rencontrent ¬– seulement, ils exercent dans une Fondation, s’entend ici un institut psychiatrique. De fait, des réflexions psychologico-philosophiques affleurent ici et là, jalonnent la vie des quatre héros qui gravitent autour de ce centre, inclus ou exclus – les deux, en fonction du point de vue duquel se place l’observateur.
L’idée d’inclusion, les différents modes de pensée sont donc également au cœur de ce roman complexe qui semble aller nulle part tout démontrant finalement beaucoup, de l’héritage à la place des femmes dans une société patriarcale en passant par ce qui fait de nous des Hommes. Adam réfléchit, orateur hors pair qui « étale » fréquemment ses adversaires, parlant trop vite pour leur permettre d’assimiler tous ses arguments. En cela, L’école de Topeka ressemble à cette stratégie, patchwork d’arguments, de réflexions et d’idées qui s’enchaînent trop rapidement pour que le lecteur suive parfaitement et relie chaque point les uns aux autres. L’esprit des quatre focalisateurs suit un cours qui lui est propre et qu’embrasse le livre. Ils se croisent, s’effleurent ou se percutent, Ben Lerner soulignant de cette façon les contradictions de l’homme, l’appartenance de chaque être à une seule et même espèce et son individualité propre. Il fait de la perception le porte-étendard de cette dichotomie. D’ailleurs, les passages où Adam s’interroge sur son incapacité à se remémorer le timbre exact des voix de ses proches, sur les phosphènes qu’il voit lorsqu’il ferme les yeux, sur sa relation au langage – sur ce qui fait de lui un être humain à part entière mais le relie aussi aux autres –, sont les plus sensibles et les plus mémorables, représentatifs de ce roman, finaliste du Prix Pulitzer 2020.
Ben Lerner - L’école de Topeka
Christian Bourgois
416 pages
24,90 €
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.