Le 12 novembre 2017
Un documentaire engagé, construit comme une fiction.
- Réalisateur : Maite Alberdi
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Néerlandais, Chilien
- Distributeur : Docks 66
- Durée : 1h32min
- Titre original : The grown-ups
- Date de sortie : 15 novembre 2017
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Anita, Rita, Ricardo et Andrés forment une bande de copains trisomiques qui partage les bancs de la même école depuis 40 ans. Mais ils aspirent à une autre vie. Ils voudraient juste pouvoir faire comme tout le monde : être autonomes, gagner de l’argent, se marier, fonder une famille. Bref, qu’à plus de 50 ans, on ne les considère enfin plus comme des enfants ! Mais est-ce que l’école de la vie leur permettra de réaliser leurs rêves ?
Notre avis : On sait gré à la réalisatrice de ne jamais incarner les adultes encadrants : lorsqu’ils existent dans le champ, ils sont soit filmés en amorce, soit purement floutés, de sorte que leurs identités se trouvent abolies, même si l’on apprend que parmi le personnel de cette école, travaille une certaine Paty et qu’elle exhorte plus qu’elle n’écoute les élèves trisomiques, lors de séances thérapeutiques, qui sont en fait des entreprises de normalisation. On pressent ce qu’aurait pu en dire un Michel Foucault, et les choix de mise en scène servent un projet très précis : dire qu’au Chili, en 2017, des êtres humains atteints du syndrome de Down, ne peuvent pas vivre et s’aimer librement. Car, si la caméra absente les "valides", c’est pour mieux signifier qu’ils agissent dans l’ombre et que la caractéristique de certains pouvoirs, au sein des sociétés contemporaines, s’apprécie à l’aune d’une capacité à effacer les signes de leur verticalité, idée éminemment foucaldienne.
La force de ce film est de s’en tenir à ce point de vue et de l’illustrer par une histoire édifiante : celle d’Andrés et d’Anita. Ils sont amoureux, veulent se marier et vivre ensemble. C’est simple et pourtant rien ne le sera. Parce que les injonctions institutionnelles à la norme sont partout et qu’elles se cristallisent à travers des situations éloquentes : Andrés commande un verre, le serveur lui demande s’il a droit à de l’alcool ; le même demande une pièce à l’écart, dans l’école, pour partager un moment d’intimité avec sa future compagne. Tout le monde comprend la litote, mais ce moment ne leur sera pas accordé : la mère d’Anita tient à voir sa fille, demande qu’elle vive avec elle, depuis la mort de son mari. L’autre ne veut pas, ne voudra jamais, argumente avec une rationalité sans faille l’existence qu’elle compte mener. On l’enjoint à se calmer, dans bien des situations, parce qu’il est prescrit que pour identifier et contrôler les trisomiques, on doit les considérer unilatéralement comme des enfants. D’où le dernier repas d’Andrés, avant son départ de l’établissement, avec ballons et gobelets en plastique. Tout a été soigneusement organisé, l’adieu sera inoubliable. Les humanistes ont, paraît-il, un mot pour désigner cette posture : la bienveillance. Maite Alberdi les démasque implacablement.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.