On ne respire pas tout seul
Le 29 avril 2015
Valérie Minetto nous donne à voir, et surtout à entendre une pensée singulière et exaltante, loin des sentiers battus.
- Réalisateur : Valérie Minetto
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Durée : 1h18mn
- Date de sortie : 29 avril 2015
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Valérie Minetto nous donne à voir, et surtout à entendre une pensée singulière et exaltante, loin des sentiers battus.
L’argument : La lecture est un voyage qui enflamme l’esprit et élargit l’horizon. Parfois, on découvre un auteur et on ne veut plus le quitter. On veut lire tous ses livres, et pourquoi pas le rencontrer. Annie Le Brun est une poète et essayiste française de notre temps. Sa pensée interroge le réel pour mieux célébrer l’imaginaire, invoque la liberté intérieure contre la servitude volontaire, et revendique le désir comme arme de discernement dans un monde ébloui où l’ombre n’a plus sa place.
Notre avis : un homme lit dans un café ; une femme, frêle et déterminée, passe dans la rue. Il la reconnaît, la suit et, au moment où il va la rattraper, elle disparaît. Cette séquence est la métaphore du film : Annie Le Brun, c’est la femme, marche seule, devant, ouvrant de nouveaux horizons, et nous, lecteurs représentés par Michel Fau et la caméra, nous la suivons, étonnés d’emprunter des chemins inconnus, de voir ce que nous ne voyions pas, de respirer à sa cadence. Alors nous l’écoutons parler du désir, de Sade, de la poésie ou de la pensée. Nous écoutons Michel Fau lire des passages entiers de cette prose exigeante, acérée. La langue est impeccable, comme neuve. Et surtout, nous tentons de retenir les mots car chaque phrase est un bol d’air. Oui, notre monde signe la « mort de l’imaginaire et du désir » ; oui, « l’apparence obstrue l’horizon » ; oui, « la pensée n’existe qu’en niant ». Annie Le Brun a le sens de la formule, de celles qui ouvrent une réflexion neuve et ne sont pas un simple ornement. Comment, en effet, mieux définir la poésie que par la métaphore d’un tableau de Magritte, Le Jockey perdu ? Et l’amour, vu comme « une association de malfaiteurs » ?
© A3 Distribution
Lire, ou écouter Annie Le Brun, c’est se sentir plus intelligent – ou moins sot. De toutes ses interventions, limpides et fécondes, ressort la nécessité de voir plus loin, de regarder autrement. C’est la vertu principale de ce documentaire que de donner envie de lire, ou de relire et, comme Michel Fau dans son bain, de reposer le livre pour continuer, seul, la réflexion. Car, si les autres sont précieux (« on ne respire pas tout seul »), c’est sa propre pensée qui compte.
On imagine sans mal le problème posé à Valérie Minetto, la réalisatrice de ce documentaire : comment filmer la pensée ? Comment mettre en images, au risque d’illustrer, au mieux, de paraphraser ou d’orner, au pire, la réflexion d’Annie Le Brun ? Bref, comment ne pas se contenter d’une émission de télé, c’est à dire de la radio assortie d’images prétexte ? Disons-le, la gageure est à moitié tenue (mais était-elle tenable ?). Les premières minutes, avec ces vues depuis le métro, réjouissent : la multiplication des écrans, des vitres et des reflets, matérialise sans peine l’ « acquiescement à ce qui est ». La suite est plus inégale : pour quelques trouvailles (le fondu au blanc, la caméra au ras du sol pour voir de près et changer la perspective), il faut supporter des trucages naïfs, des accélérés, d’interminables plans de nuages ou de pluie. Et, selon son humeur, on appréciera différemment les illustrations métaphoriques, telles que la percée du soleil dans la « forêt sombre » de Dante. Là n’est pas l’essentiel. Avec ses limites et ses éclairs, le film est une belle introduction à l’œuvre d’Annie Le Brun, c’est à dire à une pensée profonde sans être absconse. Avant de se plonger dans son Soudain, un bloc d’ abîme, Sade, on recommande le passage dans lequel elle porte un regard audacieux et riche sur le « divin Marquis ».
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