L’Amour est une haine comme les autres – la chronique BD

L’Amour est une haine comme les autres pose un problème souvent traité en fiction : est-ce que l’amitié peut survivre aux barrières sociales que dressent les hommes, à tort ou à raison ? Dans notre cas, c’est bien évidemment à tort car le seul obstacle à l’amitié entre ces deux enfants est leur différence de couleur de peau. Obstacle qui n’existe à leurs yeux que parce que les mondes dans lesquels ils vivent le leur renvoie. Abe et Will savent que cette amitié « contre-nature » aux yeux de certains doit rester secrète. On pourrait s’attendre à un sujet déjà écumé moult fois par le passé avec l’apport de peu de nouveauté. Là où Stéphane Louis touche juste, c’est qu’il ne dépeint pas un monde de gentils noirs martyrisés par de sales blancs. Les extrêmes pointent des deux côtés. Et Will et Abe doivent éviter de parler de leur amitié à chacune de leurs deux familles. Car si l’amour est une haine comme les autres, la haine appelle la haine, et la haine violente des blancs qui distribue la mort vécue par les noirs de l’entourage de Abe soulève en retour une haine frustrée de ne pouvoir exploser.
Ce que l’on pourra apprécier également dans cette histoire, c’est que la fissure de l’amitié ne provient pas de là où l’on pourrait s’y attendre. Abe et Will tiennent bon contre la société. Le mal rongeur viendra d’ailleurs.
D’ailleurs, il est à noter que les femmes n’ont pas le beau rôle non plus dans cette histoire. Folie, rancœur, envie sont les grands moteurs des personnages féminins principaux de l’histoire. Tout comme Will et Abe s’accrochent à leur amitié, ces femmes s’accrochent à ces sentiments et vont les vivre jusqu’au bout.

Le dessin âpre et marqué de Lionel Marty s’adapte bien à ce dur sujet. Personnages aux traits tranchés, aux visages expressifs, déformés par la joie ou la colère ; paysages envoutants de forêt ou sombres de rues urbaines, lumières claquantes d’un crépuscule ou grisaille des mauvais jours, Lionel Marty déploie une belle palette savamment mise en valeur par les couleurs de Véra Daviet.

L’Amour est une haine comme les autres nous fait découvrir comment une amitié doit parfois louvoyer pour survivre en eaux troubles et nous rappelle que l’on n’est jamais sûr de rien dans ce monde cruel, pas même de ses amis...

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