Le 30 janvier 2015
Sur un sujet qui pouvait se prêter aussi bien au scabreux qu’à l’imagerie, Annaud construit un film bancal, mais visuellement somptueux.
- Réalisateur : Jean-Jacques Annaud
- Acteurs : Melvil Poupaud, Tania Torrens, Tony Leugn Ka Fai, Jane March, Arnaud Giovaninetti
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Britannique, Français, Vietnamien
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 1h50mn
- Date télé : 25 mars 2022 22:50
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 22 janvier 1992
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Résumé : Les amours d’une jeune fille de quinze ans et demi et d’un Chinois de trente-six ans, à la fin des années 1920 en Indochine.
Critique : La même année qu’Indochine de Régis Warnier, sortait L’ Amant, comme une tentative de renouer avec le cinéma de prestige, penché sur une vision apaisée du passé colonial. Même si cette résurgence a été sans lendemain, elle faisait le lien avec les adaptations littéraires du « cinéma de qualité » vilipendé par Truffaut. On le sait, Marguerite Duras n’a pas apprécié le film et sa collaboration avec Annaud , ombrageuse, l’a poussée à réécrire la même histoire sous le titre L’ Amant de la Chine du Nord. On imagine sans mal, si l’on connaît le cinéma de Duras, à quel point l’adaptation a dû la mécontenter : trop somptueuse, trop classique, trop « jouée », trop riche. Le dépouillement durassien s’accommode mal de l’opulence voulue par Jean-Jacques Annaud. Il est d’ailleurs curieux que Claude Berri, le producteur, l’ait choisi pour adapter ce texte très littéraire dont les extraits lus par Jeanne Moreau donnent une idée de la force et de la beauté ; sans doute a-t-il voulu réitérer l’exploit du Nom de la Rose, sorti en 1986.
Il est toujours un peu vain de comparer les mérites respectifs d’un livre et de son adaptation et, même si l’on admire le roman, il vaut mieux l’oublier pour apprécier le film en tant que tel, comme objet indépendant. Et ce qui frappe à l’évidence, c’est la beauté : des décors, de la reconstitution, des costumes et des acteurs. Cette beauté est mise en valeur par une recherche esthétique très poussée : on admire sans cesse le cadrage, millimétré, ou la composition à l’intérieur des plans. Quant au travail sur la lumière et la couleur, il frise la perfection picturale. C’est l’une des forces du film, mais on peut regretter que, sur un sujet aussi sulfureux, scandaleux, jamais Annaud ne se départisse de cette vision esthétisante qui tend à l’affadir. Cette dimension propre et aseptisée met à mal la rugosité du thème mais aussi, au final, l’émotion.
On sent à chaque plan la volonté de la belle image ; mais le cinéaste filme au diapason : douceur des travellings parfois complexes (voir le débarquement au début ), goût des gros plans montés en inserts : à ce titre le grain de la peau, les détails vestimentaires, apportent un effet de réel qui contredit le romanesque vaporeux, ses voiles et ses reflets. Au fond, c’est l’ambivalence qui fait le grand intérêt du film, l’ opposition entre la joliesse paralysante et la violence qui éclate parfois, comme une volonté de salir, de s’encanailler. Ainsi, trois des scènes d’amour jouent sur des registres différents : la première est douce, pas très loin de l’érotisme chic et bon teint. La deuxième change de style avec un montage rapide, des très gros plans ; la dernière, froide et sèche, est hors champ, la caméra restant centrée sur l’actrice qui subit l’assaut de son amant.
Tout au long du film, on reste partagé entre l’admiration, réelle, et le regret de n’être qu’admiratif. Outre l’esthétisme, nous gênent certains dialogues trop explicites ou artificiels, et le jeu des comédiens : Annaud n’est pas un grand directeur d’acteurs ; il ne parvient pas à nuancer le rôle des frères ou de la mère. Quant à Jane March, son inexpérience se fait sentir à de trop nombreuses reprises. Il suffit d’ailleurs d’écouter Jeanne Moreau lire en voix off pour saisir les manques cruels de présence de la distribution.
Bien sûr, on trouvera des éclairs qui empêchent le film de tomber dans l’académisme complet : tel plan (de l’eau qui passe sous la porte), telle séquence (le baiser sur la vitre de la voiture), telle idée de scénario (placer au début l’histoire d’amour fou de la femme de l’administrateur) ou de mise en scène (ne pas montrer le visage de la mariée et le remplacer par celui, plus lointain, de la jeune fille). Mais là où Marguerite Duras transcendait son sujet, proche tout de même du roman de gare, par son style si singulier, Annaud donne trop dans l’illustration léchée pour convaincre tout à fait.
Une belle édition, soignée et complète, qui ravira les admirateurs du film.
Les suppléments :
On apprendra beaucoup du commentaire audio du réalisateur, très informatif, sur les conditions de tournage et ses anecdotes. Quelques piques au passage, plutôt drôles, en particulier sur Marguerite Duras. Le making of d’époque dure (1991) 50 minutes ; il suit l’aventure du film de l’écriture du scénario au tournage en passant par le casting. Un entretien de 12 minutes entre Duras et Annaud avant le tournage, chaleureux, laisse entrevoir les difficultés à venir. La voix de la romancière n’y est pas toujours audible. Le reste des suppléments est plus anecdotique : deux bandes-annonces, des rushs inédits présentant les essais sur quelques scènes, et des photos réparties en trois catégories : les visuels du film, les photos de repérage et une minute de poses de Jane March tenant des couvertures du livre en plusieurs langues.
L’image :
Somptueuse ! La restauration 4K magnifie chaque détail, les couleurs, la lumière. Seuls quelques fourmillements dans le plans sombres trahissent l’âge du film, mais la réussite est éclatante.
Le son :
Les deux pistes en DTS-HD 5.1 sont magnifiques de présence. Que ce soit les dialogues ou le bruitage, si important pour l’ambiance, tout est remarquablement mis en espace. La VO est préférable seulement pour éviter un doublage approximatif.
– Sortie DVD & blu-ray : le 4 février 2015
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