Le 11 juin 2024
En ces temps de péril nationaliste et de montée des extrémismes, ce long métrage, de facture classique, se penche avec habileté sur un cas historique illustrant la solidarité universelle.
- Réalisateur : Dragan Bjelogrlić
- Acteurs : Miki Manojlović, Olivier Barthélémy, Lionel Abelanski, Jean-Louis Coulloc’h, Radivoje Bukvić, Jérémie Laheurte, Anne Serra, Alexis Manenti, Cédric Appietto, Ognjen Micović
- Genre : Drame, Historique, Espionnage
- Nationalité : Slovène, Serbe, Macédonien
- Distributeur : L’Atelier Distribution
- Durée : 2h00mn
- Titre original : Cuvari formule
- Date de sortie : 5 juin 2024
- Festival : Festival de Locarno 2023, Arras Film Festival 2023
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Résumé : Octobre 1958, en pleine guerre froide, des scientifiques yougoslaves sont gravement irradiés dans le cadre d’une mission tenue secrète. Ils sont soupçonnés de travailler à la fabrication d’une bombe nucléaire. Rapatriés en France, ils sont pris en charge par le professeur Mathé à l’Institut Curie. Une course contre la montre s’engage alors pour les sauver…
Critique : Acteur, réalisateur et producteur serbe, Dragan Bjelogrlić signe ici son long métrage le plus ambitieux. Coécrit avec Vuk Ršumović et Ognjen Sviliči, d’après un roman de Goran Milašinovićm, le scénario est, comme on dit, tiré de faits réels. Mais les auteurs n’ont pas cherché la plate illustration d’un cas historique : ils ont assumé un matériau fictionnel et romanesque, d’autant plus que l’événement dont il est question est l’objet de nombreuses zones d’ombre et incertitudes ; l’historiographie devrait en effet s’intéresser aux raisons pour lesquelles la France mais aussi l’ex-Yougoslavie ont longtemps occulté les faits mentionnés dans la narration. Soit donc, dans un contexte de guerre froide, des scientifiques yougoslaves irradiés à l’atome, et soignés d’urgence dans un centre médical français où est appelé à la rescousse un médecin expérimentant des greffes de moelle osseuse, avec comme cobayes des souris… La première séquence, qui montre l’une d’elles se débattant dans une cage, évoque les expériences du professeur Laborit dans Mon oncle d’Amérique de Resnais. Mais le projet de Dragan Bjelogrlić, réalisateur classique, est plus modeste, bien qu’honorable : montrer, dans le cadre d’une narration traditionnelle, que des valeurs humanistes de solidarité peuvent l’emporter sur les dissensions idéologiques et politiques, en prenant appui sur un contexte historique précis, tout en cernant la part du libre arbitre de l’individu soumis à une autorité, démocratique ou totalitaire.
- © 2024 L’Atelier Distribution. Tous droits réservés.
La Yougoslavie de la fin des années 1960 était bel et bien dans le bloc communiste, quoiqu’affranchie du joug de Moscou. Le professeur Popović (Radivoje Bukvić, parfait) manipule ses étudiants qui ignorent qu’ils contribuent à des recherches vivant à doter leur pays de l’arme nucléaire. Mais lui-même a-t-il le choix de s’opposer à l’usage qui sera fait de ses travaux ? En France, le professeur Mathé (Alexis Manenti, d’une sobriété paradoxalement expressive) est un ancien résistant opposé au nucléaire et hostile au communisme, tout en manifestant un sens éthique indéniable. Les deux hommes, que tout semble opposer, seront malgré eux amenés à coopérer. Car leur antagonisme initial n’est-il pas de façade ? L’affaire Vinča Curie se laisse voir sans déplaisir. Le long métrage séduit autant par son aspect semi-documentaire (le réalisme médical est le même que dans De son vivant ou Les âmes sœurs) que par l’émotion qu’il distille, mettant en exergue des personnages d’une touchante humanité, au-delà des apparences : c’est le cas de ce garagiste bourru mais bienveillant (Jean-Louis Coulloc’h), de la jeune femme horripilante qui révèlera sa noblesse d’âme (Anne Serra), de ce jeune médecin jouant avec sa vie au nom de ses principes (Jérémie Laheurte), de l’appariteur taiseux mais altruiste (Cédric Appietto) ou du directeur d’hôpital bureaucratique mais conciliant (Lionel Abelanski).
- © 2024 L’Atelier Distribution. Tous droits réservés.
Pourtant, nulle mièvrerie ou sentimentalisme ne se décèlent dans ce film qui évite les pièges du tire-larmes consensuel de type Joyeux Noël de Christian Carion, tout en proposant une mise en scène certes peu novatrice mais techniquement irréprochable, avec une habileté dans le montage et le découpage. Le cinéaste précise ainsi dans le dossier de presse : « C’était très difficile, particulièrement à l’écriture et au montage. Le tournage a été un plaisir, mais combiner tous ces niveaux narratifs, mixer tous ces genres, pouvoir délivrer un message puissant sans être pathétique ou sentimental, cela a été un énorme défi. La monteuse du film, Milena Predić, m’a beaucoup aidé à faire les connexions entre ces différents niveaux et mener toutes ces routes secondaires vers la route principale du film. Ce film est le plus compliqué que j’ai fait ». Classique ne veut donc pas dire académique, et ce long métrage s’avère recommandable, en dépit d’une dernière séquence un peu trop explicative et scolaire. Et en cette période de montée des radicalismes, où l’extrême droite est aux portes du pouvoir dans notre pays, le message de solidarité internationale déployée dans le film est sincèrement bienvenu.
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