Le 26 mars 2024
Une satire réjouissante des névroses de la société hongroise et, partant, des ravages du poison distillé par les extrémismes et les excès d’une certaine presse sans éthique. Un régal !
- Réalisateur : Gábor Reisz
- Acteurs : Istvan Znamenak, Gáspár Adonyi-Walsh, András Rusznák, Rebeka Hatházi, Eliza Sodró, Lilla Kizlinger, Krisztina Urbanovits
- Genre : Drame, Teen movie
- Nationalité : Hongrois, Slovaque
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 2h07mn
- Titre original : Magyarázat mindenre
- Date de sortie : 27 mars 2024
- Festival : Festival de Venise 2023
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Résumé : C’est la fin de l’année scolaire à Budapest. Recalé à son oral d’histoire, Abel décide de mentir à ses parents sur les raisons de son échec et déclenche alors, malgré lui, un scandale politico-médiatique.
Critique : Il s’agit du troisième long métrage de Gábor Reisz, diplômé de diplômé de l’université ELTE en histoire et théorie du cinéma (2006), et de l’université des arts du théâtre et du cinéma en 2013. Le réalisateur avait signé For Some Inexplicable Reason (2014), sur le passage à l’âge adulte ; et Bad Poems (2018), développé lors du programme de résidence du Festival de Cannes. L’affaire Abel Trem propose une intrigue sur dix jours avec des chapitres distincts pour trois personnages principaux, le lycéen, son père et son professeur, auxquels on peut ajouter une jeune journaliste à l’origine d’un emballement médiatique. Ce découpage narratif permet de capter l’attention du spectateur, tout en distillant un certain charme rohmérien, notamment dans les digressions du récit (une jeune fille déclarant sa flamme à l’enseignant, qui l’éconduit avec diplomatie mais fermeté). On est subjugué par la montée de la tension lors d’un incident mineur : Abel a oublié d’enlever sa cocarde en entrant dans la salle où il doit passer son oral d’Histoire au bac, ce que lui fait remarquer son prof. Une parole qui n’est pas entrée dans l’oreille d’un sourd. Car le jeune homme, guère inspiré par le sujet sur lequel il est interrogé (ni par aucun autre), va faire croire à son père qu’il a été disqualifié en raison d’un signe jugé nationaliste. Il faut dire que le papa, fervent électeur d’extrême droite, s’était accroché avec l’enseignant lors d’une réunion éducative...
- © 2023 PROTON CINEMA et MPHILMS / MEMENTO DISTRIBUTION. Tous droits réservés.
Le film croise avec un intelligence trois problématiques, le tout sur fond de critique d’un pouvoir politique tenté par l’autoritarisme. Car l’action est bien située dans la Hongrie actuelle de Viktor Orbán, obnubilée par les racines chrétiennes de son pays et tentant de restreindre les libertés individuelles, notamment en milieu universitaire. En premier lieu, la problématique des limites de l’initiative pédagogique est cernée dans une peinture du monde de l’école aussi glaçante que dans le récent La salle des profs, qui était également accès sur un membre du corps enseignant compétent mais pris dans un piège. Mais ici, on va encore plus loin dans la description d’une direction dépassée par les événements, de parents d’élèves intrusifs et arrogants, ou d’élèves dans le déni de leur situation. En second lieu, L’affaire Abel Trem cerne avec acuité le phénomène de la fake news, sans lourdeur ni manichéisme, la journaliste semblant elle-même la victime d’un enchaînement inéluctable qu’elle ne contrôle plus.
- © 2023 PROTON CINEMA et MPHILMS / MEMENTO DISTRIBUTION. Tous droits réservés.
En troisième lieu, le long métrage est un délicat portrait d’adolescent, le péché originel d’Abel (interprété avec sensibilité par Gáspár Adonyi-Walsh) pouvant se comprendre dans un contexte de pression parentale et d’incapacité à assumer son libre arbitre. Sur le plan formel, l’œuvre est tout autant séduisante, avec un mélange de précision technique et d’improvisation qui semble avoir réussi au cinéaste. Il précise ainsi dans le dossier de presse : « C’est un petit budget, donc avec mon directeur de la photographie Kristóf Becsey, nous avons choisi une approche de type Dogma : de la lumière naturelle, pas de mouvements de caméra, des décors aussi réels que possible, une petite équipe. C’était une question de budget, mais aussi parce que j’aime vraiment ce style : on est très souple, on peut improviser. Avec Kristóf, nous nous connaissons depuis mon premier long et nous avons travaillé très vite, en tournant parfois dans cinq décors différents dans la même journée. Et nous faisons à chaque fois une répétition sur place avant de tourner. Nous filmons cette répétition, nous regardons l’enregistrement et cela nous aide beaucoup pour décider de la manière dont nous allons vraiment tourner ». Justement récompensé par le Prix Orizzoni à la Mostra de Venise 2023 L’affaire Abel Trem connaît une sortie dans les salles françaises grâce au distributeur Memento. Il donne envie de suivre un réalisateur doté d’une réelle inspiration.
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